Le Rassemblement National (RN) entretient la confusion sur la réforme des retraites. Le parti de Marine Le Pen, autrefois farouchement opposé au projet de recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans, adopte désormais une posture plus prudente et nuancée.
Au printemps dernier, alors que les débats faisaient rage au Parlement, les députés du RN affichaient une opposition catégorique à la réforme des retraites proposée par le gouvernement Macron. Thomas Ménagé, porte-parole du groupe RN à l’Assemblée, déclarait encore récemment : « Nous avons toujours été très clairs : nous reviendrons sur cette réforme injuste des retraites portée par Macron qui est passée en force, sans vote de l’Assemblée », soulignait-il sur BFMTV le 10 juin.
Nuances dans le discours
Cependant, deux jours plus tard, le ton changeait légèrement. Jordan Bardella, interrogé sur RTL le 12 juin, se montrait moins tranché : « Nous verrons », indiquait-il, rappelant les contraintes économiques futures. « La situation économique dont nous allons hériter dans un pays qui pulvérise, sous Emmanuel Macron, les records de déficits commerciaux, de déficit public et de dette, va être compliquée. Par conséquent, nous serons, dans le cadre d’une cohabitation, amenés à faire des choix », ajoutait-il, soulignant la priorité du RN sur la défense du pouvoir d’achat.
Dans un entretien au Parisien paru le 19 juin, Bardella affirmait : « Parce qu’elle est inefficace économiquement et injuste socialement, la réforme des retraites menée par Emmanuel Macron sera abrogée à partir de l’automne ». Il réitérait son engagement à permettre aux personnes ayant commencé à travailler à 20 ans de partir à 60 ans après 40 annuités, tout en se présentant comme « économiquement raisonnable ».
Divergences et alliances
Éric Ciotti, président des Républicains (LR) et allié contesté de Bardella, adopte une position plus mesurée. Invité de France 2, il a exprimé des réserves quant à l’abrogation de la réforme des retraites, rappelant la nécessité d’un audit des finances publiques préalable. « Nous verrons les marges de manœuvre qui seront données », a-t-il prévenu, lui qui avait défendu un report de l’âge légal à 65 ans en 2021.
Julien Odoul, député RN de l’Yonne, affirme qu’il n’y aura « aucune renonciation, aucune trahison sur le programme et les propositions ». Cependant, il reconnaît que tout ne peut pas se faire immédiatement. « Il y aura un calendrier des urgences », explique-t-il, soulignant que la première priorité du RN reste « l’urgence sociale » avec la promesse d’une baisse de la TVA sur les produits énergétiques, de 20 à 5,5 %.
Une stratégie délibérément floue
Le Rassemblement National semble jouer sur plusieurs tableaux en maintenant un flou stratégique autour de la réforme des retraites. Cette approche permet au parti de Marine Le Pen de rester flexible face aux évolutions politiques et économiques tout en rassurant sa base électorale sur ses intentions de réforme. En attendant, la prudence et les ajustements de discours reflètent une stratégie délibérément ambiguë, visant à équilibrer les promesses électorales avec les réalités budgétaires.