L’Union européenne a décidé de frapper fort. Jeudi, elle a annoncé l’imposition de droits de douane supplémentaires pouvant aller jusqu’à 38 % sur les véhicules électriques importés de Chine. Cette décision, à titre conservatoire, précède une décision définitive attendue en novembre. L’UE accuse Pékin de subventionner illégalement ses constructeurs automobiles, créant ainsi une concurrence déloyale.
Une riposte à la menace chinoise
L’industrie automobile européenne, championne des moteurs essence et diesel, voit d’un mauvais œil la montée en puissance des véhicules électriques chinois. La crainte est de taille : l’UE interdira la vente de véhicules neufs à moteur thermique dès 2035. Face à ce bouleversement imminent, Bruxelles veut protéger son marché de la déferlante des voitures électriques chinoises, dont la part de marché est passée de 3 % à 22 % en seulement trois ans.
Les nouvelles surtaxes, qui viennent s’ajouter aux 10 % de taxes déjà en vigueur, entreront en application dès vendredi. Elles varieront selon les constructeurs : 17,4 % pour BYD, 19,9 % pour Geely, 37,6 % pour SAIC, 21 % pour les autres constructeurs coopératifs, et 37,6 % pour les autres constructeurs non coopératifs. Ces taux sont calculés en fonction des subventions publiques perçues par chaque constructeur. Ils ne deviendront définitifs qu’après la décision de novembre, sauf si une majorité qualifiée d’États membres s’y oppose.
Un contexte de tensions commerciales
Cette décision intervient dans un contexte de tensions croissantes entre les puissances occidentales et la Chine. Mi-mai, les États-Unis avaient déjà relevé leurs droits de douane sur les véhicules électriques chinois de 25 % à 100 %. Bruxelles, quant à elle, avait lancé une enquête antisubventions en octobre dernier, concluant en juin à la nécessité de ces nouvelles mesures.
Les négociations avec Pékin se poursuivent. Des discussions intenses ont eu lieu entre le commissaire européen Valdis Dombrovskis et le ministre chinois du Commerce Wang Wentao. La Commission européenne espère désamorcer les tensions et éviter une guerre commerciale ouverte.
Des réactions contrastées
Les réactions des acteurs de l’industrie ne se sont pas fait attendre. MG France, par exemple, avait anticipé cette décision et affirme disposer de stocks suffisants pour les quatre prochains mois. « On savait à quoi s’attendre depuis l’an dernier, alors nous avons pris des précautions, » explique dans Challenges Julien Robert, vice-président en charge des ventes et du réseau de MG Motor France.
En revanche, les constructeurs allemands, qui réalisent une part importante de leurs ventes en Chine, craignent les répercussions. « Les effets négatifs de cette décision l’emportent sur les avantages possibles, » a déploré Volkswagen.
En Chine, les entreprises concernées, telles que XPeng et NIO, tentent de minimiser l’impact pour les consommateurs européens tout en cherchant à trouver une solution acceptable avec l’UE. Pékin, de son côté, qualifie cette mesure de « protectionniste » et menace de représailles ciblant divers produits européens, dont le vin, les produits laitiers et les voitures à grosses cylindrées.
Une stratégie industrielle à réinventer
La Chine, leader mondial des batteries, a surpassé le Japon l’année dernière en tant que premier exportateur automobile. Cette domination menace directement les emplois européens, l’industrie automobile de l’UE employant plus de 14,6 millions de personnes.
Cette nouvelle passe d’armes s’inscrit dans une lutte plus large pour la suprématie industrielle entre l’Occident et le géant asiatique. Les secteurs des éoliennes, des panneaux solaires et des batteries sont également au cœur de ces tensions.
L’annonce de l’Union européenne marque une étape cruciale dans ses relations commerciales avec la Chine. Alors que les négociations se poursuivent pour éviter une guerre commerciale, les prochains mois seront déterminants pour l’avenir de l’industrie automobile européenne et pour l’équilibre des échanges mondiaux. Bruxelles reste ferme : protéger ses intérêts économiques est une priorité, même si cela implique des mesures drastiques.