Dans un contexte politique marqué par l’incertitude, le gouvernement démissionnaire a pris une décision inédite : reconduire à l’identique le total des crédits de l’État pour l’année 2025, soit 492 milliards d’euros. Cette initiative, annoncée mardi par Matignon, vise à garantir la continuité de l’État en attendant la formation d’un nouveau gouvernement, une tâche qui incombera au futur locataire de Matignon.
Un budget « réversible » pour maintenir la continuité de l’État
Face à l’urgence de la situation, Gabriel Attal a transmis aux ministères les « lettres plafonds » fixant les enveloppes budgétaires pour 2025. Cette reconduction à l’identique des crédits, décrite comme une mesure « républicaine », vise à assurer la continuité des services publics tout en laissant au prochain gouvernement la possibilité de moduler ces budgets en fonction de ses priorités politiques.
« Il s’agit de doter la France d’un budget en temps et en heure, tout en permettant au prochain gouvernement de faire ses propres choix », ont précisé les services du Premier ministre. Cette démarche apparaît comme une réponse pragmatique aux contraintes législatives, alors que les délais pour la préparation du budget 2025 sont particulièrement serrés.
Un calendrier législatif sous tension
Le temps presse, en effet. Le projet de loi de finances (PLF) doit être déposé au Parlement avant le 1er octobre, après une série d’examens et de consultations prévues pour le mois de septembre. Ces étapes, impliquant notamment le Haut Conseil des finances publiques et le Conseil d’État, sont incontournables pour que la loi de finances puisse être adoptée avant le 1er janvier 2025.
Conscient de ces échéances, Gabriel Attal a décidé de prendre les devants. En l’absence d’un successeur désigné, et avec un président de la République, Emmanuel Macron, engagé dans des consultations politiques dès vendredi, le ministre a choisi de « préparer le terrain » pour le prochain gouvernement, évitant ainsi un blocage budgétaire.
Un budget identique, des ajustements subtils
La reconduction des crédits pour 2025 se fait sur la base du budget de 2024, avec un montant total inchangé de 492 milliards d’euros. Ce choix, qualifié de « budget zéro valeur » par Matignon, est relativement rare. Toutefois, des ajustements ont été opérés dans la répartition des crédits, notamment pour tenir compte de la baisse du chômage et de la réduction des besoins en matière d’apprentissage.
Selon Matignon, ce gel des dépenses permet de réaliser une économie de 10 milliards d’euros par rapport à un budget intégrant une inflation de 2 %. Cette rigueur budgétaire s’inscrit dans un cadre plus large, alors que la France s’est engagée à ramener son déficit public à 3 % du PIB d’ici 2027, sous l’œil vigilant de Bruxelles.
Une opposition en ébullition
Cette reconduction des crédits n’a pas manqué de provoquer de vives réactions, notamment au sein de l’opposition. Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, a dénoncé un « pur scandale », tandis que Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, a critiqué une décision « complètement en dehors de la gestion des affaires courantes ». Pour la députée écologiste Sandrine Rousseau, « la préparation d’un budget est l’acte le plus politique qui soit », et cette démarche n’a, selon elle, rien à voir avec une simple gestion des affaires courantes.
À l’inverse, des membres de la majorité sortante, tels que Sabrina Agresti-Roubache, ont défendu cette décision. La secrétaire d’État démissionnaire à la Ville a affirmé sur TF1 qu’il s’agissait d’une « base de travail » pour le prochain gouvernement, rappelant que « c’est le Parlement qui fera le budget du pays ». Laurent Marcangeli, président du groupe Horizons à l’Assemblée nationale, a également souligné que le dernier mot reviendra aux parlementaires en octobre.
Un choix entre continuité et adaptation
En reconduisant les crédits de l’État pour 2025, le gouvernement démissionnaire a opté pour une approche qui garantit la continuité administrative tout en laissant au prochain exécutif la possibilité d’adapter le budget à sa propre vision politique. Ce choix, bien que critiqué par une partie de l’opposition, répond à une nécessité impérieuse : éviter un blocage législatif tout en permettant à la France de respecter ses engagements financiers à l’échelle européenne.
La balle est désormais dans le camp du futur gouvernement, qui devra naviguer entre les contraintes budgétaires et les attentes politiques pour finaliser un budget qui, en dépit de cette reconduction, restera profondément marqué par les orientations politiques de la prochaine équipe à Matignon.