La nomination de Michel Barnier à Matignon intervient dans un climat politique tendu, avec une Assemblée nationale aux équilibres fragiles et des réformes gouvernementales délicates à venir. En choisissant Barnier, le président Macron cherche à se renforcer en s’appuyant sur une figure expérimentée, capable de rassembler la droite et le centre tout en maintenant une certaine ouverture vis-à-vis de l’extrême droite.
Un choix stratégique ?
L’une des raisons pour lesquelles Barnier est un choix stratégique pour Macron réside dans ses positions sur la réforme des retraites. Contrairement à d’autres figures de la droite comme Xavier Bertrand, il ne s’oppose pas à la mesure emblématique du second quinquennat d’Emmanuel Macron. Barnier avait lui-même proposé de repousser l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans, un an de plus que la réforme actuelle. Cette convergence avec le président assure une continuité dans la politique économique et sociale du gouvernement.
L’appui d’une partie de la droite traditionnelle
Le choix de Barnier en tant que Premier ministre permet aussi à Macron de consolider un soutien à droite. Laurent Wauquiez et une grande partie des Républicains se réjouissent de cette nomination, voyant en Barnier un représentant de la droite traditionnelle et gaulliste. Lors de la primaire LR pour la présidentielle de 2022, bien qu’il n’ait pas remporté la course, Barnier avait su maintenir une image de rigueur et de sérieux, des qualités qui lui valent aujourd’hui l’appui d’une partie significative de l’opposition de droite.
Les troupes de Wauquiez, influentes dans plusieurs régions, trouvent en Barnier un interlocuteur crédible pour défendre des positions conservatrices tout en restant ouvert au dialogue. Cela pourrait offrir à Macron une certaine stabilité parlementaire, indispensable pour mener à bien les réformes futures, notamment sur la sécurité et l’immigration.
Le Rassemblement national en observateur attentif`
Mais c’est sans doute la position du Rassemblement national qui intrigue le plus. Jordan Bardella, président du RN, a réagi avec prudence à la nomination de Michel Barnier. Plutôt que de s’y opposer frontalement, le RN a choisi d’adopter une position d’attente, affirmant qu’il « jugerait sur pièces » les premières actions du nouveau Premier ministre. Marine Le Pen a, de son côté, souligné que Barnier semblait correspondre à certains critères qu’elle avait posés : un homme capable de « respecter les différences politiques » et d’aborder les questions centrales du RN, comme l’immigration, la sécurité et le pouvoir d’achat.
En 2021, Michel Barnier avait déjà pris des positions fermes sur ces sujets, notamment en proposant un référendum sur l’immigration et la mise en place de quotas annuels de visas. Il avait également plaidé pour une réduction des aides sociales aux étrangers et la suppression de l’aide médicale d’État sauf en cas d’urgence, des propositions qui résonnent favorablement dans les rangs du RN.
Des convergences avec l’extrême droite
Les propositions de Barnier sur l’immigration et la sécurité ne sont pas nouvelles, mais leur écho auprès de l’électorat du Rassemblement national est notable. En 2021, lors de la primaire LR, il défendait l’idée d’une expulsion systématique des étrangers condamnés à des peines de prison ferme, un principe central dans le discours du RN. Ces positions, bien que critiquées par la gauche, permettent à Barnier de s’inscrire dans un courant sécuritaire qui séduit une large part de la droite et de l’extrême droite.
Cependant, sa nomination ne signifie pas une convergence totale avec les idées du RN. Michel Barnier reste un européen convaincu, fidèle aux valeurs républicaines. Il a d’ailleurs maintenu que la souveraineté française ne pouvait s’affranchir de l’Union européenne, ce qui le distingue nettement de la ligne euro-sceptique du Rassemblement national.
Un homme d’expérience pour porter le projet européen de Macron
Ancien commissaire européen et négociateur en chef du Brexit, Barnier connaît parfaitement les rouages des institutions européennes. Sa vision d’une « Europe puissance », qui fait écho à celle d’Emmanuel Macron, renforce l’idée d’un partenariat renforcé entre la France et ses partenaires européens pour affronter les défis globaux.
L’accord entre Barnier et Macron sur la nécessité d’une défense européenne, d’investissements accrus dans l’économie du continent, et d’une plus grande autonomie stratégique face aux États-Unis et à la Chine, en fait un allié précieux pour le président dans la poursuite de son agenda international.