Michel Barnier a été nommé Premier ministre dans un contexte politique extrêmement tendu. Avec seulement 235 députésderrière lui, il est loin des 289 nécessaires pour constituer une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le chef du gouvernement se trouve ainsi dans une position délicate, pris en étau entre une droite républicaine mesurée et une gauche farouchement opposée, tandis que le Rassemblement national (RN) se pose en arbitre incontournable de cette législature.
Une majorité relative insuffisante
Le camp présidentiel, soutenu par la droite républicaine et le groupe centriste Liot, forme une majorité relative fragile, insuffisante pour gouverner sereinement. Cette situation place Michel Barnier sous pression, avec le risque constant de voir une motion de censure déposée contre lui. Si, pour l’instant, le Rassemblement national n’a pas tenté de renverser le gouvernement, l’attitude de ses dirigeants suggère une vigilance accrue.
Jordan Bardella, président du RN, a en effet souligné que son parti avait choisi de laisser à Barnier le « bénéfice du doute », mais a averti qu’une censure restait une option. « M. Barnier est sous surveillance démocratique d’un parti politique qui est désormais incontournable », a-t-il déclaré lors d’un déplacement. Le RN, fort de son poids parlementaire, se positionne ainsi comme un acteur-clé capable de décider du sort du gouvernement.
Marine Le Pen : « Michel Barnier partage notre constat sur l’immigration »
La présidente du RN, Marine Le Pen, a également exprimé ses réserves tout en notant certaines convergences entre son parti et le nouveau Premier ministre. Lors d’un entretien accordé à La Tribune, elle a affirmé qu’Emmanuel Macron avait pris en compte « les critères du RN » en choisissant Michel Barnier. Elle a souligné que ce dernier partageait un diagnostic similaire au sien sur l’immigration, un thème cher au RN. « Il a au moins conscience que l’immigration est un problème majeur », a-t-elle insisté.
Pour autant, Marine Le Pen a assuré qu’elle ne cherchait pas à paralyser les institutions. « Si nous l’avions souhaité, nous aurions fait comme le Nouveau Front populaire et menacé de censurer tout le monde. Ce n’est pas notre état d’esprit », a-t-elle expliqué, tout en rappelant que son parti restera vigilant face aux actions du gouvernement.
L’opposition de gauche en ébullition
Si le Rassemblement national adopte pour l’instant une attitude mesurée, la gauche, elle, ne cache pas son mécontentement. Dès le lendemain de la nomination de Barnier, des manifestations ont éclaté à l’appel de La France insoumise, notamment à Paris, où un cortège de manifestants a défilé entre Bastille et Nation. Selon les chiffres, 26 000 personnes étaient présentes dans la capitale selon la police, contre 160 000 selon les organisateurs. À l’échelle nationale, la mobilisation a réuni 110 000 personnes, toujours selon les autorités.
La colère de la gauche s’est concentrée sur la nomination de Barnier, perçue comme une trahison par une grande partie des militants, qui espéraient voir Lucie Castets, candidate de la gauche unie, accéder à Matignon. Jean-Luc Mélenchon, le chef de file des Insoumis, n’a pas manqué de fustiger ce qu’il qualifie de « coup de force démocratique » de la part d’Emmanuel Macron. « La démocratie, ce n’est pas seulement l’art de gagner, c’est aussi l’humilité d’accepter de perdre », a-t-il lancé depuis un camion au milieu de la manifestation.
Un Premier ministre sur la corde raide
Michel Barnier est donc confronté à un double défi : rassurer une droite qui le soutient mollement et composer avec un Rassemblement national prêt à agir en cas de déception. L’enjeu est d’autant plus délicat que l’opposition de gauche ne semble pas prête à relâcher la pression.
Rappelons que selon un sondage Ifop pour Le Journal du dimanche, 52 % des Français approuvent la nomination de Michel Barnier, mais 74 %estiment qu’il risque de faire face à une motion de censure dans les prochains mois. Ce chiffre montre l’ambivalence de la situation. Si Barnier jouit d’un certain soutien populaire, il n’en demeure pas moins exposé aux fragilités parlementaires et aux risques d’un renversement prématuré.
Dans ce contexte, le Premier ministre devra habilement naviguer entre les exigences de sa propre majorité, les critiques de l’opposition de gauche et les attentes d’un Rassemblement national en embuscade. Un faux pas pourrait coûter cher à son gouvernement, déjà perçu comme « fragile » par ses adversaires et une partie de l’opinion publique.