La réforme des retraites, adoptée en 2023, continue d’alimenter les débats. Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, a invité dimanche Michel Barnier à suspendre temporairement la réforme, afin de relancer les négociations. Une ouverture timidement accueillie par le Premier ministre.
Sur les ondes de France Inter ce dimanche, Marylise Léon n’a pas mâché ses mots. La secrétaire générale de la CFDT, première organisation syndicale de France, a clairement tendu la main au nouveau Premier ministre, Michel Barnier. « Il faut qu’on mette tous les sujets sur la table. Il faut qu’on traite l’éléphant dans la pièce, et c’est les 64 ans », a-t-elle lancé, en référence à l’âge légal de départ à la retraite fixé par la réforme de 2023.
L’objectif pour Léon est simple : rouvrir le dialogue sur une réforme largement rejetée par l’opinion publique et qui a suscité des mois de mobilisation sociale. « L’idée, c’est qu’argument contre argument, on fasse la démonstration que c’est une réforme profondément injuste », a-t-elle expliqué.
Michel Barnier, entre fermeté et ouverture
Michel Barnier, nommé Premier ministre en juillet dernier, semble prêt à discuter, mais dans des limites précises. S’il a évoqué vendredi dernier la possibilité d’« ouvrir le débat » pour une « amélioration » de la réforme, il a aussitôt tempéré cette ouverture : « sans tout remettre en cause ». Partisan d’un report de l’âge légal à 65 ans lors de la primaire des Républicains en 2021, Barnier a affirmé qu’il n’entendait pas revenir sur le passage de 62 à 64 ans, un pilier de la réforme.
Cette position ferme laisse peu de place aux espoirs de Marylise Léon, mais la syndicaliste persiste : « J’imagine que lorsqu’il prend le costume de Premier ministre, il est à l’écoute des personnes qu’il a en face de lui. Charge à la CFDT de lui faire la démonstration que le décalage de l’âge est le levier le plus injuste », a-t-elle ajouté.
Une réforme largement contestée
Depuis l’annonce de la réforme, la contestation ne faiblit pas. La CFDT, aux côtés d’autres organisations syndicales comme FO et la CGT, a mené des mois de grèves et de manifestations contre ce qu’elle considère comme une mesure brutale. « Il faut qu’on fasse la démonstration, comme on a essayé de le faire pendant toute la mobilisation, que c’est une réforme profondément injuste », a martelé Léon, s’appuyant sur les « témoignages récents » qu’elle continue de recevoir, dénonçant la « brutalité » de cette réforme.
L’un des principaux points de friction reste l’âge légal de départ à la retraite. Pour la CFDT, comme pour la majorité des syndicats, cet âge de 64 ans ne prend pas en compte la pénibilité de nombreux métiers. « Aujourd’hui, le monde du travail doit prendre à bras-le-corps ces questions de pénibilité, d’exposition à des risques », a insisté Léon.
Suspendre la réforme : des implications techniques et budgétaires
Si la CFDT demande au gouvernement de suspendre temporairement la réforme, les conséquences d’un tel gel ne sont pas négligeables. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), chargée de gérer les dossiers de départs à la retraite, devrait reporter les départs prévus dans les semaines à venir, entraînant des retards pour les assurés concernés. Renaud Villard, directeur général de la Cnav, a estimé qu’il faudrait « au moins cinq à six mois » pour ajuster les processus en cas de modification de la réforme.
Le volet budgétaire pèse aussi dans la balance. La majorité présidentielle rappelle qu’une abrogation de la réforme coûterait entre 14 et 20 milliards d’euros par an d’ici à 2030. Un argument que Marylise Léon balaye d’un revers de main : « L’argument budgétaire a bon dos », affirme-t-elle, estimant que cette justification cache une volonté politique de ne pas revenir sur une réforme « nécessaire » aux yeux de certains responsables.
L’intersyndicale à l’offensive
Ce lundi, une réunion de l’intersyndicale est prévue pour définir la suite du mouvement contre la réforme. La CGT a déjà annoncé une mobilisation le 1er octobre, à laquelle d’autres syndicats pourraient se joindre selon l’évolution des négociations. L’enjeu de cette rencontre est de taille, d’autant plus que le gouvernement doit annoncer prochainement son plan d’économies de 20 milliards d’euros, un point qui ne manquera pas de raviver les tensions sociales.
Une proposition de loi en octobre
En parallèle, le débat politique s’anime également. Une proposition de loi du Rassemblement national pour abroger la réforme des retraites sera examinée à l’Assemblée nationale le 31 octobre. À gauche, certains s’interrogent sur l’opportunité de voter ce texte, tandis que d’autres appellent à un débat préalable. « Je m’engage devant les Français, d’ici la fin de l’année, l’Assemblée aura abrogé la loi de réforme des retraites », affirme Eric Coquerel, président LFI de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale ce lundi au micro de franceinfo.