Après plus de sept ans à la tête du ministère de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire a fait ses adieux à la commission des finances de l’Assemblée nationale, le 9 septembre dernier. Lors de cette audition, présentée comme sa « dernière commission des finances », le ministre démissionnaire a défendu son bilan, tout en avertissant sur les défis budgétaires majeurs qui attendent la France, alors que le déficit public risque de déraper une nouvelle fois en 2024.
Une situation budgétaire délicate
Le rétablissement des finances publiques reste, pour Bruno Le Maire, « le défi le plus urgent, le défi le plus difficile, le défi le plus politique ». Selon une note du Trésor publiée récemment, le déficit public pourrait atteindre 5,6 % du PIB en 2024, contre une prévision initiale de 5,1 %. Cette situation est imputée à des recettes fiscales moins importantes que prévu, combinées à des dépenses exceptionnelles des collectivités territoriales.
« Il ne s’agit pas de dire que les élus locaux sont de mauvais gestionnaires, mais de constater que la contribution attendue des collectivités à l’effort de redressement des finances publiques n’est pas intégrée », a expliqué Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des Comptes publics, également auditionné ce lundi.
Tenir le cap des 3 % de déficit en 2027
Reconnaissant le risque d’un dérapage budgétaire, Bruno Le Maire s’est néanmoins montré optimiste quant à la capacité de la France à respecter sa trajectoire fiscale. L’objectif est clair : passer sous la barre des 3 % de déficit d’ici 2027. « Nous sommes en mesure de tenir la trajectoire », a affirmé le ministre démissionnaire, appelant à des « décisions fortes et des choix politiques » pour atteindre cet objectif.
Parmi les solutions évoquées, Le Maire a conseillé d’annuler une partie des 16,7 milliards d’euros de crédits gelés par le gouvernement et de réunir rapidement le Haut Conseil des finances publiques locales. Il a également plaidé pour la mise en place d’une loi de finances rectificative, une proposition qu’il avait déjà formulée au printemps dernier sans succès. Cette loi permettrait, selon lui, de dégager des recettes supplémentaires via des mesures comme la taxation des rachats d’actions ou des entreprises énergétiques.
Un marathon budgétaire sous haute tension
L’audition de Bruno Le Maire intervient à un moment stratégique pour le Parlement. Le marathon budgétaire de l’automne s’apprête à débuter, avec l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Cependant, l’absence de majorité claire à l’Assemblée nationale complique l’adoption de ce texte crucial pour l’exécutif. Le calendrier de transmission des premiers documents budgétaires a déjà pris du retard, ce que n’ont pas manqué de souligner Eric Coquerel, président de la commission des finances (LFI), et Charles de Courson, rapporteur général du budget (LIOT).
Bruno Le Maire s’est néanmoins défendu : « Nous avons fait tout le nécessaire pour que les délais puissent être tenus ». Il a précisé que l’objectif reste de déposer le projet de loi à l’Assemblée nationale avant le 1er octobre, conformément à la loi. Toutefois, il a reconnu que la décision finale reviendra au futur gouvernement de Michel Barnier, dont la composition est attendue dans les jours à venir. Ce dernier devra rapidement trancher sur les arbitrages nécessaires pour finaliser le PLF.
Des critiques acerbes et des passes d’armes
L’audition de Bruno Le Maire a également été marquée par des échanges tendus. Éric Coquerel a fustigé les « cadeaux fiscaux » offerts aux plus riches, affirmant que la part du patrimoine des 500 plus grandes fortunes a doublé entre 2017 et 2023, sans retour visible en matière d’emploi ou d’investissement. « Je considère qu’il faut d’abord produire la richesse avant de la redistribuer », a répliqué Le Maire, défendant les réformes mises en place sous son mandat.
Les députés de divers groupes ont profité de cette occasion pour exposer leurs propositions en vue des débats budgétaires à venir. Philippe Brun (Socialistes) a appelé à une surtaxe de l’impôt sur les sociétés, tandis qu’Eva Sas (Ecologiste et social) a plaidé pour une hausse du budget consacré à l’écologie. De son côté, Jean-Paul Matteï (Les Démocrates) a réitéré l’importance d’une réforme fiscale.
Cependant, les attaques les plus vives sont venues de Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national), qui a dénoncé l’ « autosatisfaction » du ministre sortant face à ce qu’il a qualifié de « désastre budgétaire ». Bruno Le Maire, visiblement agacé, a répondu : « Je suis toujours surpris de cette manie des nationalistes de taper sur la Nation ».
Bruno Le Maire quitte Bercy, mais la bataille budgétaire, elle, ne fait que commencer. Avec un déficit public sous haute surveillance et des décisions politiques cruciales à prendre dans les semaines à venir, le prochain gouvernement de Michel Barnier aura fort à faire pour remettre les finances publiques sur de bons rails.