À quelques heures de leur unique débat télévisé, Kamala Harris et Donald Trump restent au coude-à-coude dans les sondages. Un face-à-face décisif aura lieu mardi soir à Philadelphie, dans un contexte tendu où chaque camp joue gros.
Le premier et seul débat entre Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis, et Donald Trump, ancien président, se tiendra au Centre national de la Constitution, dans la grande métropole de Philadelphie, en Pennsylvanie, un des « swing states » cruciaux pour l’élection. Cet État, capable de basculer dans un camp ou dans l’autre, est surveillé de près par les équipes des deux candidats. Diffusé sur la chaîne ABC, ce débat s’annonce comme un moment clé de la campagne présidentielle américaine.
Un débat sous haute tension
La préparation de cet affrontement a fait l’objet de négociations minutieuses. Les règles imposées, telles que l’absence de public et la possibilité de couper les micros, visent à garantir un débat équitable. « Tous les débats présidentiels sont négociés serré, mais les conditions de celui-ci sont particulièrement strictes. Le fait de couper les micros, par exemple, a fait l’objet de longues discussions », explique André Kaspi, historien et spécialiste de la politique américaine, dans un entretien à Public Sénat.
Cette mesure vise à éviter les interruptions intempestives et à donner à chaque candidat un temps de parole clair, sans être perturbé par l’autre. Une précaution nécessaire, étant donné l’antagonisme entre les deux candidats.
Stratégies divergentes : entre improvisation et rigueur
Dans le camp de Donald Trump, pas de véritable préparation formelle. L’ancien président, qui se considère rodé à l’exercice, préfère les « réunions politiques » avec ses conseillers. « Il s’assoit autour d’une table, on lui pose des questions et on lui rappelle son bilan à la Maison-Blanche », rapporte une source proche de son entourage. L’objectif de ses conseillers est simple : le maintenir sur les sujets politiques et éviter les dérapages. « Ils veulent éviter à tout prix l’image d’un Trump trop agressif ou chaotique, confie une autre source. S’il parvient à rester concentré sur les politiques, il pourra marquer des points. »
Toutefois, certains dans son équipe s’inquiètent de la tendance de Trump à franchir les « lignes rouges ». « On lui pardonne beaucoup, mais il doit éviter les propos misogynes ou racistes, explique Lauric Henneton, spécialiste de la politique américaine. Il peut se permettre des écarts, mais trop de chaos pourrait lui nuire. »
De son côté, Kamala Harris adopte une approche bien plus méthodique. Retranchée dans un hôtel, son équipe a recréé une réplique du studio où se déroulera le débat. Un conseiller joue même le rôle de Trump pour la préparer aux attaques éventuelles. Harris, qui n’a pas débattu depuis sa candidature aux primaires démocrates il y a plus de quatre ans, doit convaincre et affiner son programme face à un adversaire expérimenté.
« Elle est dans une phase de conquête et de reconnaissance », note Lauric Henneton. « Les débats ne sont pas forcément son point fort, mais elle excelle dans les échanges plus formels, comme ceux de la Cour suprême. Pourtant, un faux pas pourrait la hanter, surtout qu’il n’y aura pas d’autre débat. »
Un enjeu crucial pour les deux candidats
Les deux candidats entrent dans cette confrontation avec beaucoup à perdre. Donald Trump, engagé dans sa troisième campagne présidentielle, se repose sur son expérience. Pour lui, ce débat est l’occasion de rappeler son bilan, tout en restant fidèle à son style parfois provocateur. « On lui passe tout, estime Henneton. Il peut être plus agressif sans que cela ne choque outre mesure ses partisans. »
Pour Kamala Harris, la donne est différente. En reprenant la campagne démocrate après le retrait de Joe Biden, elle a réussi à remobiliser son camp. Mais les attentes sont énormes. Donald Trump n’a pas hésité à l’attaquer personnellement, la qualifiant de « folle » et « méchante », usant même du terme « camarade Kamala » pour la dépeindre comme une communiste radicale. Ce type d’attaque, typique de la stratégie trumpienne, pourrait lui porter préjudice s’il ne parvient pas à se concentrer sur les questions politiques.
Une course très serrée
Les sondages reflètent l’intensité de cette course. Selon une récente étude New York Times/Siena College, Donald Trump devance Kamala Harris d’un seul point au niveau national (48 % contre 47 %), un écart si mince qu’il est impossible de prédire l’issue du scrutin à ce stade. Dans ce contexte, ce débat télévisé pourrait faire basculer la balance en faveur de l’un ou de l’autre.
« Ils ont tous deux beaucoup à perdre, affirme Lauric Henneton. Trump a peut-être moins à craindre, car il est habitué aux débats, mais pour Harris, un seul faux pas pourrait être fatal. »