L’Union européenne a remporté une victoire décisive dans son bras de fer contre deux géants de la tech américaine. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé, ce mardi, deux sanctions massives visant Google et Apple, dans des affaires qui marquent un tournant dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et l’évasion fiscale au sein du marché unique. Au total, les deux entreprises se voient infliger plus de 15 milliards d’euros d’amendes.
La première affaire concerne Google, qui devra payer une amende de 2,4 milliards d’euros pour abus de position dominante sur le marché des recherches en ligne. De son côté, Apple est sommé de rembourser 13 milliards d’euros d’arriérés fiscaux à l’Irlande, après avoir bénéficié de ce que Bruxelles qualifie d’« aide d’État illégale ».
Google sanctionné pour abus de position dominante
Dans l’affaire Google, la Cour basée à Luxembourg a confirmé la décision rendue en 2017 par la Commission européenne. Le géant américain est accusé d’avoir favorisé son propre service de comparaison de produits, Google Shopping, au détriment de ses concurrents, faussant ainsi le marché des recherches en ligne.
« Google a abusé de sa position dominante en manipulant les résultats de recherche pour favoriser son propre service, rendant pratiquement invisibles ses concurrents », a souligné la CJUE dans son arrêt. Cette affaire avait débuté en 2010, à la suite d’une enquête de Bruxelles consécutive aux plaintes de plusieurs acteurs européens du marché.
Pour Margrethe Vestager, commissaire à la Concurrence, cette décision est une victoire pour la concurrence en Europe : « Nous devons garantir que les grandes entreprises, quel que soit leur pouvoir de marché, respectent les règles et permettent à la concurrence de s’exprimer. C’est une question de justice économique pour les entreprises et de choix pour les consommateurs. »
Le montant de 2,4 milliards d’euros représente l’une des sanctions les plus lourdes jamais imposées par l’Union européenne dans un dossier de pratiques anticoncurrentielles. Toutefois, Google a déjà été condamné à une amende encore plus élevée en 2018 pour des abus liés à son système d’exploitation Android, portant le total des amendes infligées à l’entreprise à plus de 8 milliards d’euros.
Apple et ses 13 milliards d’arriérés fiscaux à rembourser à l’Irlande
Dans une autre affaire tout aussi sensible, la CJUE a confirmé une décision remontant à 2016, selon laquelle Apple doit rembourser 13 milliards d’euros d’arriérés fiscaux à l’Irlande. L’entreprise de Cupertino avait en effet profité de taux d’imposition dérisoires, oscillant entre 0,005 % et 1 %, dans le cadre d’un arrangement fiscal jugé illégal par la Commission européenne.
Cette somme correspond aux bénéfices qu’Apple a pu rapatrier en Irlande entre 2003 et 2014, en bénéficiant d’une fiscalité très avantageuse. La CJUE a estimé que l’Irlande avait accordé à Apple une aide d’État illégale, en violation des règles européennes. « L’Irlande a accordé à Apple des avantages fiscaux disproportionnés, ce qui a faussé la concurrence », a déclaré la Cour dans un communiqué.
Un tournant dans la régulation des géants du numérique
Ces deux décisions marquent un tournant dans la régulation des géants du numérique. L’Union européenne affirme ainsi sa volonté de tenir tête aux GAFAM, souvent accusés de contourner les lois européennes pour maximiser leurs profits. Ces sanctions renforcent l’idée que l’Europe n’est plus un terrain de jeu libre pour les géants du numérique, et qu’ils doivent désormais s’adapter à un cadre juridique plus strict.
Pour Pascal Saint-Amans, ancien directeur du Centre de politiques fiscales de l’OCDE, ces affaires montrent que la régulation des grandes entreprises ne relève plus seulement des gouvernements : « La Cour européenne envoie un signal clair : les entreprises de la Big Tech ne sont plus au-dessus des lois. La lutte contre les abus fiscaux et les pratiques anticoncurrentielles est désormais fortement encadrée, tant par les législateurs que par les juges. »
Les experts s’attendent à ce que ces affaires marquent le début d’une nouvelle ère dans la manière dont l’Europe régule les grandes entreprises technologiques. « C’est un message fort envoyé aux entreprises du monde entier : l’Europe est un marché régulé, où les règles doivent être respectées par tous, qu’il s’agisse de la concurrence ou de la fiscalité », a conclu Margrethe Vestager.
En effet, ces décisions viennent s’inscrire dans une série de mesures prises par l’Union européenne pour réguler le marché du numérique, notamment via l’adoption du Digital Markets Act (DMA), qui vise à limiter