Les constructeurs automobiles européens pressent l’Union européenne de repousser de deux ans le durcissement des normes environnementales CAFE (Corporate Average Fuel Economy), initialement prévu pour 2025. Selon un document non signé révélé par Le Monde et Bloomberg, ils réclament désormais une application de ces règles renforcées en 2027, invoquant des difficultés à atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2.
Une demande d’urgence auprès de l’Union européenne
Les constructeurs automobiles, notamment représentés par l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (ACEA), dirigée par Luca de Meo, PDG de Renault, cherchent à activer une procédure exceptionnelle. Ils s’appuient sur l’article 122.1 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), qui permettrait de retarder la mise en œuvre d’une réglementation en contournant le Parlement européen.
Le cœur de leur requête repose sur le fait que le marché des véhicules électriques n’a pas connu l’essor nécessaire pour respecter les seuils imposés par les nouvelles normes. Actuellement, la part des véhicules électriques représente moins de 15 % des ventes de voitures particulières et seulement 7 % pour les utilitaires, bien loin des niveaux requis pour compenser les émissions des voitures thermiques.
Des sanctions financières considérables
L’enjeu pour les constructeurs est colossal. Si les nouvelles normes CAFE devaient entrer en vigueur dès 2025, les amendes pourraient atteindre des montants faramineux. Le document cité par Le Monde mentionne des pénalités potentielles de 13 milliards d’euros pour les voitures particulières et 3 milliards pour les véhicules utilitaires. Pour éviter ce scénario catastrophique, plusieurs options sont envisagées.
Trois scénarios face à un dilemme économique
Les constructeurs automobiles explorent trois pistes principales pour éviter le choc financier lié au durcissement des normes CAFE. La première option envisagée est de réduire la production de véhicules thermiques. Ce scénario impliquerait une diminution significative de la fabrication, avec plus de deux millions de voitures thermiques et 700 000 utilitaires en moins. Une telle décision aurait des conséquences lourdes, notamment la fermeture d’environ huit usines à travers l’Europe. Cette réduction drastique de la production entraînerait également des pertes d’emplois massives dans un secteur déjà fragilisé.
Une deuxième solution consisterait à acheter des crédits-carbone auprès de constructeurs américains ou chinois, comme Tesla ou Volvo, afin de compenser le surplus d’émissions. Bien que cette option permette d’éviter temporairement les amendes, elle pose un problème stratégique. En plus de subventionner des concurrents non-européens, cette solution serait insuffisante pour combler l’écart entre les objectifs d’émissions et la réalité du marché.
Enfin, la troisième piste envisagée serait d’augmenter les subventions pour les véhicules électriques ou de baisser leur prix. L’objectif serait d’accroître la part de marché des véhicules électriques à 22 %. Cependant, cette solution est difficilement réalisable dans le contexte actuel, car plusieurs États européens ont déjà commencé à réduire les aides publiques à l’achat de voitures électriques. Cette tendance complique les efforts pour rendre les véhicules électriques plus accessibles au grand public.
Une industrie face à un marché en stagnation
Ces options illustrent bien l’impasse dans laquelle se trouvent les constructeurs européens. Le marché des véhicules électriques, crucial pour la transition écologique, est en stagnation depuis plus d’un an, freiné par le coût élevé des véhicules et des infrastructures de recharge insuffisantes dans certaines régions d’Europe. Le temps presse, et les constructeurs craignent que l’imposition des nouvelles normes ne mette en péril la viabilité économique de nombreuses entreprises du secteur.
Selon le document, repousser les nouvelles exigences à 2027 permettrait de donner à l’industrie un délai nécessaire pour ajuster sa production et pour stimuler davantage les ventes de véhicules électriques. Cependant, cette demande de report pose aussi des questions éthiques, car elle pourrait retarder les efforts de l’Union européenne pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans un contexte d’urgence climatique.
L’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles (ACEA) a publié un communiqué jeudi dernier, faisant part de « son inquiétude croissante » quant à la capacité du secteur à respecter les nouvelles normes d’émissions prévues pour 2025.
Cette demande d’un report à 2027 met en lumière les tensions entre les exigences environnementales croissantes et la réalité économique d’un secteur en pleine mutation. Le défi de la transition énergétique est immense, et les prochaines décisions de l’Union européenne seront scrutées de près. Entre impératifs climatiques et pression économique, l’équilibre est difficile à trouver pour les constructeurs européens.