Connu pour son enquête retentissante sur les Ehpad privés, le journaliste Victor Castanet frappe de nouveau avec son livre « Les Ogres », publié ce mercredi 18 septembre. Cette fois, l’auteur s’attaque au secteur de la petite enfance et dévoile des abus choquants dans les crèches privées gérées par l’entreprise People&Baby. L’enquête, qui expose une gestion dictée par la quête de profit à tout prix, révèle des conditions de travail déplorables et des pratiques indignes pour les enfants accueillis.
Maltraitance, sous-effectif, violence et rationalisation des ressources
Dans son ouvrage, Victor Castanet dépeint un tableau accablant de la gestion des crèches privées par People&Baby. Il pointe du doigt des actes de maltraitance infantile, une rationalisation extrême des ressources essentielles comme les couches et la nourriture, violence ainsi qu’une surcharge de travail pour le personnel. Selon le journaliste, ces pratiques sont le résultat d’une obsession pour la rentabilité au détriment de la qualité des services proposés.
Castanet rapporte, par exemple, des témoignages décrivant des situations où le personnel devait gérer un nombre de bébés bien supérieur à ce qui est recommandé, avec des moyens insuffisants. « On nous demandait de compter les couches et de les changer le moins possible », confie un ancien employé sous couvert d’anonymat.
Ces révélations, qualifiées de « scandaleuses », ont rapidement fait réagir les acteurs du secteur, en particulier la Fédération Française des Entreprises de Crèches (FFEC), qui a pris position de manière ferme.
La FFEC condamne fermement les pratiques révélées
La Fédération française des entreprises de crèches (FFEC a réagi par un communiqué publié dans la matinée du 18 septembre. « Nous condamnons avec la plus vive fermeté les pratiques scandaleuses révélées, qui méprisent les valeurs de notre profession et l’intérêt supérieur des enfants accueillis », déclare la FFEC.
La fédération rappelle que People&Baby a été exclue de ses membres dès 2015 pour des manquements graves à la charte éthique. « À l’unanimité, nous avons refusé sa ré-adhésion », précise le communiqué. La FFEC se dit prête à collaborer avec la justice si cette enquête devait entraîner des poursuites judiciaires.
Un scandale politique en toile de fond
Au-delà des révélations sur People&Baby, le livre de Victor Castanet expose également des connexions troublantes entre l’ancienne ministre des Familles, Aurore Bergé, et la déléguée générale de la FFEC, Elsa Hervy. Castanet révèle qu’Aurore Bergé aurait cherché à étouffer une mission parlementaire visant à enquêter sur les dysfonctionnements dans les crèches privées. Un texte entre l’ancienne ministre et Hervy dévoilé dans le livre montre la proximité des deux femmes. « C’est surtout une copine 🙂 Elle sera très aidante avec moi », aurait écrit Aurore Bergé à son équipe, selon les propos rapportés par Castanet.
Un ancien collaborateur de la ministre, interviewé par le journaliste, raconte : « Je comprends qu’elles communiquent ensemble sur Telegram. Aurore dit à Elsa comment se préparer. Et inversement. Vous imaginez la situation ? Une ministre qui discute de manière étroite avec la lobbyiste du secteur qu’on est censé encadrer… ».
Aurore Bergé sous le feu des critiques
Les révélations de « Les Ogres » ont déclenché une vague de réactions dans la classe politique. Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise (LFI), a dénoncé un « énorme scandale », soulignant qu’Aurore Bergé avait nié tout lien avec le lobby des crèches privées lors d’une audition parlementaire. « Elle avait juré sous serment qu’elle n’avait aucune accointance avec ce lobby. Or on apprend aujourd’hui que c’est faux », a-t-il déclaré.
De son côté, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI, va plus loin et accuse Aurore Bergé de « parjure ». « Nous avons demandé à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, d’inscrire à l’ordre du jour notre demande de poursuite pour parjure. Elle a refusé, mais le bras de fer est commencé », a-t-elle affirmé devant les médias le 17 septembre. D’autres députés, comme Fabien Roussel du Parti communiste, ont qualifié la situation de « honteuse » et ont dénoncé l’influence des logiques de profit sur le secteur de la petite enfance.
Pour Isabelle Santiago, députée socialiste, les faits révélés par Castanet posent de sérieuses questions : « À l’époque, je ne l’ai pas vu comme un problème. Mais aujourd’hui, à la lecture du livre, je me demande qui pouvait avoir intérêt à empêcher la création d’une commission d’enquête. Aurore Bergé devra s’en expliquer », a-t-elle déclaré sur France Info.
Aurore Bergé dément : « diffamation pure »
Face aux accusations croissantes, Aurore Bergé a fermement démenti les faits rapportés dans l’enquête de Victor Castanet. Dans un communiqué bref, elle parle de « diffamation pure » et réfute toute proximité avec Elsa Hervy ou influence sur les décisions politiques liées aux crèches privées. Depuis la publication du livre, l’ex-ministre est toutefois restée silencieuse, évitant les plateaux télé et les interviews.