La situation budgétaire de la France est critique. Alors que le déficit public se creuse, le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, est confronté à un dilemme majeur : comment redresser les finances publiques sans alourdir la pression fiscale sur les ménages et les entreprises, déjà parmi les plus élevées d’Europe ? À peine arrivé à Matignon, il a laissé entendre qu’il pourrait aller dans le sens d’une « plus grande justice fiscale », une déclaration qui suscite des réactions contrastées au sein de la classe politique.
Une situation budgétaire tendue
Depuis 2017, sous la présidence d’Emmanuel Macron, des mesures fiscales ont été prises pour alléger le poids des impôts. Parmi elles, la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, la suppression de la taxe d’habitation et la transformation de l’impôt sur la fortune. Emmanuel Macron avait revendiqué 50 milliards d’euros de baisses d’impôts, une politique qui a favorisé la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages. Cependant, ces choix ont également contribué à une augmentation du déficit, plaçant la France dans une procédure de déficit excessif.
Désormais, Michel Barnier se trouve face à une « délicate équation budgétaire », et n’exclut pas l’idée d’une réforme fiscale. Cependant, l’hypothèse d’une hausse des impôts inquiète certains membres de sa majorité. Véronique Louwagie, députée de la Droite républicaine (ex-LR), tire la sonnette d’alarme : « Nous avons aujourd’hui le niveau des impôts et des cotisations le plus élevé d’Europe. Je rappelle que ces cotisations pèsent sur les ménages et sur les entreprises. Une hausse d’impôts serait une très mauvaise idée. »
Le spectre des hausses d’impôts
En interne, le camp macroniste semble également en attente de clarification. Gabriel Attal, ancien Premier ministre et désormais chef de file des députés Renaissance, demande à Michel Barnier de préciser sa « ligne politique » : « Nous avons besoin de savoir sur quelle ligne claire le gouvernement se positionne. Les hausses d’impôts sont un sujet qui ne peut rester en suspens. » Cette question est d’autant plus urgente que des réunions sont prévues à Matignon entre Barnier et ses principaux alliés.
Dans ce contexte, Prisca Thevenot, députée macroniste des Hauts-de-Seine, a également exprimé ses doutes sur franceinfo : « Sur les hausses d’impôts, il y a encore des questionnements. Nous avons besoin d’éclaircissements. Il y a eu des discussions, mais des questions restent en suspens sur la direction que prendra le Premier ministre Michel Barnier. »
Les critiques s’intensifient
Le dossier fiscal a déjà provoqué un premier bras de fer au sein de l’ancienne majorité présidentielle. Gérald Darmanin, démissionnaire du ministère de l’Intérieur, a mis en garde Michel Barnier contre tout relèvement des impôts. Sur France 2, il a été catégorique : « augmenter les impôts, c’est la facilité. Je ne participerai pas à un gouvernement qui ne soit pas clair sur la question des impôts. » Une déclaration qui semble signifier que l’ancien ministre pourrait rompre avec l’exécutif si une hausse de la fiscalité venait à être confirmée.
La pression se fait également sentir du côté d’Horizons, le parti d’Édouard Philippe. Laurent Marcangelli, président du groupe à l’Assemblée nationale, a reconnu que « la France est en procédure de déficit excessif » et que « nous avons de grandes difficultés pour envisager notre loi de finances ». Cependant, il met en garde contre toute hausse d’impôts pour la classe moyenne : « Tout se discute, sauf des hausses d’impôts pour la classe moyenne. »
Le Rassemblement national sur la défensive
Même son de cloche du côté du Rassemblement national. Sébastien Chenu, vice-président de l’Assemblée nationale, a averti que toute augmentation de la fiscalité serait une « ligne rouge » pour son parti : « Nous redisons à Michel Barnier que c’est une ligne rouge, celle de l’augmentation de la fiscalité et des impôts pour les foyers français. » Le RN menace même de déposer une motion de censure si le Premier ministre franchit cette ligne.
Un virage risqué pour Michel Barnier
Cette tension illustre la difficulté de la tâche qui attend Michel Barnier. L’ancien « Monsieur Brexit » doit à la fois contrôler le dérapage du déficit tout en respectant les lignes rouges fixées par ses partenaires politiques. Sa marge de manœuvre semble limitée, d’autant plus qu’il ne dispose pas d’une majorité parlementaire stable. Avec une centaine de députés Renaissance sur lesquels il doit s’appuyer, Barnier est contraint de négocier et de rassurer.
Pour l’heure, le Premier ministre devra naviguer habilement pour éviter de rompre les équilibres fragiles qui composent sa majorité, tout en relevant l’immense défi budgétaire qui s’impose à lui.