Le dernier baromètre de Bpifrance Le Lab et Rexecode révèle un climat de défiance parmi les dirigeants des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE) en France. L’incertitude politique, aggravée par la dissolution de l’Assemblée nationale en juin, a provoqué une vague de reports et d’annulations d’investissements, mettant à mal la stratégie de développement de ces entreprises déjà fragilisées.
Un climat politique pesant sur les décisions économiques
L’étude, menée entre le 22 août et le 3 septembre, met en lumière un constat préoccupant : 51 % des patrons interrogés estiment que l’instabilité politique a eu un effet « fort » sur leur activité, tandis qu’un tiers d’entre eux évoque un impact « modéré ». Réalisée alors que le pays attendait la nomination d’un nouveau Premier ministre, cette enquête souligne la paralysie qui s’est emparée des entreprises face à un horizon politique incertain.
Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Seuls 46 % des dirigeants envisagent d’investir dans l’année à venir, un chiffre en recul de 4 points par rapport au trimestre précédent et de 11 points comparé à 2023. Ce décrochage reflète un manque de confiance des chefs d’entreprise, confrontés à un environnement instable qui freine leur capacité à se projeter dans l’avenir. 36 % d’entre eux ont déjà reporté leurs projets d’investissement et 20 % les ont tout simplement annulés.
Investissements et emplois en chute libre
Au-delà des investissements, l’incertitude politique affecte également l’emploi. 28 % des entreprises ont reporté leurs projets de recrutement, et 21 % ont décidé de les abandonner. Dans un contexte où la reprise économique semble encore fragile, cette frilosité risque de ralentir l’économie française, en particulier dans les secteurs où les PME et TPE jouent un rôle majeur en termes d’emplois.
Les perspectives d’investissements dans des projets stratégiques, notamment dans la transition écologique, sont également en nette diminution. Alors qu’ils étaient considérés comme essentiels il y a encore quelques mois, les projets à visée environnementale perdent du terrain. Aujourd’hui, seuls 36 % des dirigeants considèrent l’environnement comme une priorité d’investissement, une baisse de 5 points depuis mai dernier et de 11 points depuis février. Cette tendance révèle un changement de priorités, les chefs d’entreprise étant davantage préoccupés par des problématiques à court terme comme la faiblesse de la demande et les difficultés de recrutement.
Baisse attendue des marges
Le baromètre révèle également des prévisions pessimistes en ce qui concerne les marges des PME et TPE. 46 % des dirigeantsanticipent une réduction de leur rentabilité en 2024, une hausse de 4 points par rapport à février dernier. Cette baisse des marges intervient alors que la pression inflationniste semble s’atténuer plus rapidement que prévu, comme le souligne Philippe Mutricy, directeur des études chez Bpifrance. Toutefois, cette désinflation ne suffit pas à redonner confiance aux entreprises, déjà ébranlées par plusieurs trimestres de difficultés économiques.
Lueur d’espoir : désinflation et hausses salariales
Malgré ce climat morose, deux éléments ressortent positivement de cette enquête. Tout d’abord, la poursuite de la désinflation : bien que les tensions inflationnistes s’estompent, cela pourrait favoriser un redressement progressif du pouvoir d’achat. Ensuite, les hausses salariales attendues dans les PME et TPE, bien qu’inférieures aux prévisions initiales, devraient tout de même se maintenir à un niveau supérieur à l’inflation. En effet, 58 % des entreprises prévoient d’augmenter les salaires en 2024, avec une progression moyenne estimée à 2,1 %, contre un taux d’inflation anticipé de 1,6 %.
Si ces chiffres sont en baisse par rapport aux prévisions de début d’année, ils représentent néanmoins un levier pour réduire les tensions sur le pouvoir d’achat, une question centrale pour les salariés. Fait notable : 23 % des dirigeants envisagent même des hausses de salaires supérieures à 3 %, un signe de confiance pour certains secteurs malgré l’incertitude ambiante.