Une nouvelle tempête politique secoue le gouvernement suite aux révélations du livre Les Ogres, signé du journaliste d’investigation Victor Castanet. L’ouvrage, publié cette semaine, dénonce des pratiques douteuses au sein des crèches privées à but lucratif et éclaire les liens troubles qu’aurait entretenus Aurore Bergé, ancienne ministre des Familles, avec le lobby des crèches privées. Entre maltraitance infantile, rationnement des couches et accusations de parjure, l’affaire secoue l’Assemblée nationale et promet d’avoir des répercussions politiques majeures.
Des pratiques inquiétantes dans les crèches privées
Dans Les Ogres, Castanet dresse un portrait sombre des pratiques en vigueur dans certaines crèches privées. Le journaliste révèle des témoignages accablants : le rationnement des couches, la maltraitance des bébés et un climat de travail dégradant pour les employés. Ces établissements, souvent soutenus par des fonds publics, sont accusés d’optimiser leur rentabilité au détriment du bien-être des enfants et du personnel. Ces révélations surviennent dans un contexte où le modèle économique des crèches privées suscite de plus en plus de critiques.
Aurore Bergé, au cœur de la polémique
Le livre de Castanet met également en lumière des relations étroites entre Aurore Bergé et Elsa Hervy, lobbyiste en chef des crèches privées. Lors de son audition en commission d’enquête, le 30 avril 2024, Aurore Bergé avait pourtant fermement nié tout lien personnel avec Hervy :
« Je n’ai pas d’amitié, d’accointance, de relation personnelle avec aucune personne d’aucun lobby. Je le répète sous serment : je n’ai pas de lien personnel, intime ou amical avec Elsa Hervy », avait-elle déclaré sous serment.
Or, selon Castanet, un SMS envoyé par Aurore Bergé à ses équipes prouverait le contraire. Dans ce message, l’ancienne ministre qualifie Elsa Hervy de « copine » et ajoute qu’elle « sera très aidante avec moi ». Castanet affirme également que les deux femmes communiquaient fréquemment via Telegram, ce qui contredit la version officielle de Bergé.
Accusations de parjure : les écologistes et LFI montent au créneau
Face à ces nouvelles révélations, plusieurs élus ont immédiatement demandé des comptes. Les députés écologistes ont appelé à l’ouverture d’une procédure pour parjure contre Aurore Bergé. Dans un communiqué, les élus soulignent que « plusieurs éléments du livre tendent à démontrer que contrairement à ce que Madame Bergé avait affirmé sous serment, elle aurait entretenu des échanges étroits avec le lobby des crèches privées à but lucratif ».
Les députés de La France insoumise (LFI) se sont également saisis de l’affaire. David Guiraud, député du Nord, a dénoncé « un énorme scandale » lors d’une conférence de presse le 17 septembre.
« Il s’agit d’un cas avéré de parjure qui devrait indigner la classe politique, mobiliser l’attention des médias et entraîner des sanctions rapides », a-t-il déclaré.
Le député Manuel Bompard a, quant à lui, exhorté Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, à inscrire une procédure de parjure à l’ordre du jour. Cependant, celle-ci a rejeté la demande, invoquant un dépôt trop tardif.
Devant la gravité des accusations, Aurore Bergé a rapidement réagi. Dans un communiqué transmis à l’AFP, elle « dément formellement toute accusation de parjure devant la commission d’enquête » et assure avoir répondu avec « honnêteté et transparence ».
Un débat relancé sur le financement des crèches
Si l’affaire met en lumière des questions d’éthique politique, elle relance également le débat sur le financement des crèches privées. Depuis plusieurs mois, des voix s’élèvent pour dénoncer un soutien financier disproportionné en faveur des crèches privées, tandis que les crèches publiques et associatives souffrent de sous-financement.
Le député William Martinet, ancien membre de la commission d’enquête sur les crèches, a réaffirmé l’importance de rééquilibrer les financements lors de l’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS).
« Le cœur du sujet, c’est le financement : surfinancement public pour les groupes de crèches privées et sous-financement des crèches publiques et associatives. Il faut porter des amendements pour que les financements publics aillent à ceux qui en ont vraiment besoin », a-t-il déclaré dans les colonnes du HuffPost.
Les députés socialistes et insoumis espèrent que le PLFSS permettra de remettre cette question au centre du débat public et d’imposer des réformes nécessaires.
Un sujet brûlant dans le débat politique
Pour Céline Hervieu, députée socialiste et ancienne conseillère à la Ville de Paris pour l’éducation et la Petite enfance, la sortie du livre de Victor Castanet arrive au bon moment. Elle déplore cependant que des scandales d’une telle gravité soient nécessaires pour attirer l’attention du public.
« C’est malheureux qu’on en arrive à des situations aussi graves pour qu’on en parle dans le débat public », a-t-elle déclaré. Hervieu, récemment élue, a lancé un groupe de travail sur la question des crèches, qui pourrait bien amener à des réformes plus profondes. Elle appelle à une collaboration entre élus locaux et collectivités pour traiter ce sujet de façon urgente.