Dans son manifeste « Debout, tête haute ! Manifeste pour répondre au racisme », paru aux Éditions du Croquant, la psychiatre Fatma Bouvet de la Maisonneuve livre une analyse percutante et personnelle sur l’état des tensions raciales en France. Avec plus de 30 ans d’expérience dans l’accompagnement des souffrances individuelles et collectives, l’auteure puise dans son expérience professionnelle et sa propre trajectoire d’expatriée tunisienne pour dresser un tableau sombre mais réaliste des maux qui minent la cohésion sociale. Ce livre s’impose comme un véritable appel à l’action pour déconstruire le racisme et rétablir un véritable dialogue universel.
Le racisme, une souffrance qui étouffe
Dès les premières pages de son manifeste, Fatma Bouvet de la Maisonneuve ne mâche pas ses mots. Elle décrit l’atmosphère en France comme « toxique« , générant un sentiment d’étouffement et une confusion mentale chez de nombreuses personnes, en particulier celles issues des minorités. Elle pointe du doigt une montée des tensions identitaires, nourrie par des discours politiques polarisants et une méconnaissance des réalités multiculturelles de la société française. Selon elle,« Ça, comme disent pudiquement certains patients, divise, déchire et met sérieusement en péril la cohésion nationale. »
L’auteure souligne la banalisation de la haine dans l’espace public, un phénomène qu’elle qualifie de « bêtise ». Pour elle, cette bêtise réside dans l’incapacité d’une catégorie de médias et de figures politiques à inviter la majorité à s’ouvrir à la pensée complexe et à la curiosité intellectuelle. L’intelligence est remplacée par un manichéisme dangereux. Elle affirme que « l’acte de penser a quelque chose de salvateur », rappelant l’importance de l’éducation et du dialogue.
Le poids de l’identité : un délire collectif ?
L’une des thématiques centrales du livre est la notion d’identité, devenue un sujet majeur dans les débats sociaux et politiques en France. Fatma Bouvet de la Maisonneuve décrit cette obsession pour l’identité comme une « forme de délire collectif« , où la raison est souvent supplantée par des peurs irrationnelles et une vision rigide de la culture. Elle dénonce les guerres identitaires qui fracturent la société, notant que « par définition, on ne peut convaincre ni un délirant, ni un dénégateur. »
Un universalisme humaniste pour contrer le racisme
L’un des apports les plus intéressants de l’ouvrage est l’approche de Fatma Bouvet de la Maisonneuve sur l’universalisme. Alors que ce concept est souvent perçu comme un outil d’assimilation et un déni des particularismes culturels, elle propose une lecture différente : un universalisme humaniste, qui prône la coexistence des diversités tout en respectant l’égalité.
« L’universalisme, pour moi, n’est ni l’uniformisme, ni l’assimilation, mais bien la coexistence de tous de façon égale et en tenant compte de nos particularités. », déclare t-elle
Elle déplore que ce concept soit souvent utilisé pour justifier des pratiques colonialistes ou pour nier le racisme, alors que, pour elle, il devrait au contraire servir de levier pour réconcilier les individus de toutes origines. C’est en tant que médecin qu’elle ressent cette nécessité d’universalité.
La souffrance raciale, une réalité médicale
En tant que psychiatre, Fatma Bouvet de la Maisonneuve est confrontée à la souffrance psychologique des personnes victimes de racisme. Elle met en lumière un fait troublant : beaucoup de patients racisés viennent la consulter précisément parce qu’elle partage avec eux cette appartenance perçue à une minorité.
« Le racisme est souvent la conséquence d’un artifice intellectuel ou politique, relayé par des médias en quête d’audimat. », observe l’auteure
Cette réalité médicale est un reflet direct de la société française : les discriminations raciales ont des conséquences profondes sur la santé mentale. Ces souffrances, qu’elle qualifie de « déflagration » dans la conscience individuelle, se manifestent sous forme de colère, d’isolement ou d’un sentiment de ne pas appartenir à une société pour laquelle certains se sont pourtant sacrifiés.
Face à la haine, le rôle des soignants
L’auteure aborde également un aspect moins souvent traité du racisme : celui des soignants. Elle raconte avoir été confrontée à des patients racistes qui l’ont insultée pour ses origines arabes, mais souligne que son devoir de médecin est de soigner tous les individus, quels que soient leurs préjugés. Elle affirme avec force que « les soignants dits racisés soignent autant les patients racisés que les autres », appelant à un décloisonnement des soins médicaux.
Une France qui a oublié son égalité républicaine
Dans son manifeste, Fatma Bouvet de la Maisonneuve critique vivement la France pour avoir trahi son idéal d’égalité.
« Beaucoup de citoyens français d’origine étrangère, dont les parents ou grands-parents ont parfois donné leur vie pour la nation, se sentent aujourd’hui exclus et incompris. », rappelle l’auteure
Pour elle, la montée du racisme en France est la conséquence d’une ignorance collective, amplifiée par des politiciens et des médias en quête de sensationnalisme. Mais elle reste convaincue qu’une prise de conscience est possible, à condition d’encourager le dialogue et la réflexion, plutôt que la division.
Avec « Debout, tête haute ! », Fatma Bouvet de la Maisonneuve signe un manifeste nécessaire pour déconstruire les stéréotypes raciaux et rétablir une véritable égalité dans le débat public. Son approche, mêlant expérience personnelle et professionnelle, nous invite à réfléchir sur la responsabilité de chacun — citoyens, politiques et médias — dans la lutte contre le racisme. Il s’agit d’un appel à l’action, un cri de révolte contre l’indifférence et une défense de l’humanisme face à la haine.
« Debout, tête haute ! Manifeste pour répondre au racisme », de Fatma Bouvet de la Maisonneuve, paru aux Éditions du Croquant (septembre 2024), sera disponible en librairies le 3 octobre 2024