Malgré les ambitions affichées par le gouvernement pour revitaliser le secteur industriel français, le premier semestre 2024 témoigne d’une situation inquiétante. Selon les données du baromètre Trendeo, les fermetures d’usines continuent de se multiplier tandis que les délocalisations sapent les efforts de réindustrialisation. Certains secteurs, comme l’énergie et le recyclage, parviennent toutefois à résister, voire à se développer.
Un ralentissement de la réindustrialisation
Depuis quelques années, le gouvernement français a fait de la réindustrialisation une priorité stratégique. Cependant, les chiffres du baromètre Trendeo pour le premier semestre 2024 montrent un net ralentissement dans ce processus.
Selon Yves Cousquer, fondateur de Trendeo, « l’écart entre les ouvertures et les fermetures d’usines se réduit dangereusement ». En effet, si 79 nouveaux sites industriels ont été créés entre janvier et juin 2024, cela représente une baisse de 4 % par rapport à la même période en 2023. En parallèle, 61 fermetures d’usines ou d’ateliers ont été enregistrées, marquant une augmentation de 9 %.
Le solde net reste positif, avec 18 créations de sites supplémentaires. Toutefois, ce chiffre est en net recul par rapport au premier semestre 2023, où 26 ouvertures nettes avaient été recensées. Yves Cousquer souligne que « la tendance s’est encore aggravée durant l’été, avec dix fermetures annoncées contre seulement cinq nouvelles ouvertures ».
Fermetures et délocalisations : les raisons du ralentissement
Ce phénomène s’explique par une conjonction de facteurs. Les petites et moyennes entreprises (PME) constituent la majorité des fermetures, souvent victimes de liquidations judiciaires. De nombreuses PME, créées durant les premières années du mouvement de réindustrialisation (entre 2015 et 2017), peinent aujourd’hui à maintenir leur activité. Parmi les exemples récents figurent les Chaussures Chamberlain en Dordogne et l’entreprise textile Kraft Company dans la Loire.
À ces fermetures s’ajoutent les délocalisations des grands groupes industriels, un autre fléau pour l’industrie française. En mars, IBM a annoncé la suppression de 260 postes en France, dans le cadre de la réorganisation de ses services offshore. De son côté, Stellantis a décidé de déplacer deux de ses trois lignes de production de boîtes de vitesses de Metz vers l’Inde et l’Italie. Bosch, quant à lui, a choisi de délocaliser la production de directions assistées électriques de son site de Marignier (Haute-Savoie) vers l’Europe de l’Est.
Ces décisions contrastent avec les ambitions de réindustrialisation affichées par le gouvernement. Selon un rapport de la Cour des comptes, les dispositifs de soutien aux PME industrielles restent insuffisants, entraînant un nombre élevé de défaillances d’entreprises en 2024.
Des secteurs résilients : l’énergie et le recyclage
Si le tableau général de l’industrie française reste mitigé, certains secteurs se montrent plus résilients, voire porteurs d’avenir. L’énergie et le recyclage apparaissent comme des domaines clés dans la dynamique de réindustrialisation.
Constellium, par exemple, a considérablement renforcé ses capacités de recyclage d’aluminium à Neuf-Brisach, en Moselle. Hydrovolt, une coentreprise entre Norsk-Hydro et NorthVolt, a inauguré un site de recyclage de batteries à Hordain, dans le Nord de la France.
Dans le domaine des énergies renouvelables et de l’optimisation énergétique, Enerdigit s’apprête à ouvrir un atelier à Nantes, dédié à la fabrication de boîtiers de suivi de consommation électrique.
D’autres projets d’avenir continuent de voir le jour, malgré les difficultés du secteur. La société Technature, par exemple, prévoit d’ouvrir une usine en Bretagne en 2025 pour la production de cosmétiques à base d’algues, générant ainsi entre 60 et 80 emplois. Pierre Morvan, président de Technature, a affirmé que la France a le potentiel pour devenir un acteur majeur dans l’industrie en plein essor des cosmétiques naturels.
Enfin, le groupe belge Galactic a repris en août 2024 une partie des activités de Metex pour la fabrication de microprotéines à base de champignons à Carling Saint-Avold, promettant la création de 40 emplois d’ici 2026.
Une réindustrialisation en demi-teinte
Malgré ces initiatives, le bilan global reste mitigé. Les faillites d’entreprises industrielles ont atteint des niveaux comparables à ceux observés avant la pandémie, selon les données de la Banque de France, confirmant un retour aux niveaux de 2019, avec une hausse des faillites dans le secteur industriel de 50 % en un an. Cette augmentation des défaillances contraste avec les ambitions de réindustrialisation mises en avant par le gouvernement.