Dans un contexte politique tendu, l’avenir de l’Aide médicale d’État (AME) en France se trouve désormais dans la ligne de mire du gouvernement de Michel Barnier. Lors de son intervention sur France 2, le nouveau Premier ministre a déclaré qu’il n’y avait « ni tabou, ni totem » concernant la possible suppression de l’AME, un dispositif qui permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier de soins médicaux gratuits. Il a ajouté : « Il y a simplement le souci de traiter cette question avec fermeté et avec humanité. »
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a également pris la parole, évoquant une refonte de l’AME en tant qu’« aide médicale d’urgence ». Il a expliqué que cette démarche s’inscrit dans un objectif plus large : « On a un souci, c’est que nous sommes l’un des pays européens qui donne le plus d’avantages. Je ne veux pas que la France se singularise, que la France soit le pays le plus attractif d’Europe pour un certain nombre de prestations sociales et d’accès au soin. »
Les réactions des professionnels de santé
Ces déclarations ont suscité un tollé parmi les professionnels de santé. Pour eux, les propos de Barnier et Retailleau vont à l’encontre des principes éthiques de la médecine et représentent un danger pour la santé publique. Sur le réseau social X, de nombreux soignants ont exprimé leurs inquiétudes face à cette perspective de suppression.
Le médecin et enseignant-chercheur Philippe Froguel a dénoncé ce qu’il appelle un « naufrage moral » et une « bombe sanitaire à retardement » qui résulterait de l’éventuelle suppression de l’AME. Par ailleurs, l’oncologue Anthony Gonçalvès a ajouté que cette décision pourrait servir à flatter l’électorat du Rassemblement National.
François Braun, ancien ministre de la Santé, a également fait entendre sa voix. Interrogé par BFMTV, il a qualifié une telle mesure de « complètement stupide pour la santé publique, mais aussi pour les finances de l’Assurance maladie ». Braun a souligné que l’accès aux soins pour tous est un « droit inaliénable », rappelant que « refuser de soigner des gens qui ont des pathologies chroniques, c’est in fine arriver à des maladies qui se compliquent, ce qui coûtera beaucoup plus cher ».
Les risques pour la santé publique
Les inquiétudes des professionnels de santé ne sont pas seulement éthiques, elles sont également liées à la santé publique. Jérôme Marty, médecin généraliste et président du syndicat UFLM, a alerté sur le fait que la suppression de l’AME entraînerait une « rupture du soin ». Il a expliqué que « en urgence, ce seront des patients de tous âges et avec des pathologies bien plus graves qui devront être pris en charge, mobilisant les équipes pour un coût humain et économique bien plus grand. »
La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a, quant à elle, publié une étude en 2023 affirmant que le maintien de l’AME est un « impératif de santé publique ». En juin dernier, une tribune signée par plus de 5 000 soignants, incluant infirmières, médecins et autres professionnels, a été partagée pour dénoncer les politiques jugées « d’extrême droite » qui mettent en danger la santé publique. Ces professionnels ont averti que la suppression de l’AME entraînerait « des prises en soin tardives, hospitalisations complexes, désorganisation du système de soins, et des surcoûts financiers importants. »
Alors que des changements concernant l’Aide Médicale d’État sont envisagés par le gouvernement, la question de l’accès aux soins pour les plus vulnérables est plus que jamais d’actualité. Les implications éthiques, sanitaires et économiques de ces propositions nécessitent un débat approfondi. Les voix des professionnels de santé, ainsi que celles des organisations de défense des droits, sont essentielles pour éclairer cette problématique qui pourrait redéfinir l’accès aux soins en France.