Face à l’annonce d’une hausse de 8,1 % des tarifs des complémentaires santé, un rapport sénatorial tire la sonnette d’alarme. Les parlementaires remettent en question ces chiffres et avancent des pistes pour contenir les augmentations à l’avenir.
Un rapport sénatorial remis le 26 septembre par Xavier Iacovelli (Renaissance) questionne les fortes hausses annoncées des tarifs des complémentaires santé pour 2024. Les conclusions de la mission d’information, demandée par la commission des affaires sociales, remettent en cause les justifications avancées par les mutuelles et avancent des pistes pour limiter les augmentations futures.
Des augmentations jugées excessives
L’annonce par la Mutualité française, en décembre 2023, d’une hausse moyenne de 8,1 % des cotisations pour 2024 avait suscité de nombreuses réactions au Sénat. Selon les mutuelles, cette augmentation s’expliquait par la progression des dépenses de santé, dopée par l’inflation, les revalorisations salariales, ainsi que par les « transferts de charges » entre l’Assurance maladie et les complémentaires.
Pourtant, après avoir examiné de près ces arguments, les sénateurs sont arrivés à une tout autre conclusion. Selon leur propre évaluation, la hausse nécessaire pour couvrir l’augmentation des dépenses de santé serait comprise entre 4,5 % et 6,5 %, soit bien en dessous des 8,1 % avancés par les organismes. Une fourchette qui rejoint celle de la Direction de la Sécurité sociale, estimée entre 5 % et 7 %.
« Les explications des mutuelles ne suffisent pas à justifier les hausses constatées », indique le rapport. Les sénateurs s’étonnent notamment de l’écart entre l’évolution réelle des dépenses et les augmentations annoncées, et appellent à une vigilance accrue concernant les bilans financiers des organismes dans les années à venir.
Les frais de gestion des mutuelles dans le viseur
Un autre point soulevé par le rapport concerne les frais de gestion des complémentaires santé, qui ont augmenté de 33 % entre 2011 et 2022, soit deux fois plus vite que l’inflation. Le document met en lumière des disparités importantes entre les différents organismes : parmi les 100 plus grandes mutuelles, 35 affichent des frais inférieurs à 17,5 %, tandis que 13 parviennent à les maintenir sous les 12,5 %.
« Il existe des marges de manœuvre », note Xavier Iacovelli. Le rapport recommande donc aux mutuelles de s’engager dans une réduction progressive de leurs frais de gestion afin de limiter la pression sur les tarifs.
Recentrer les contrats responsables et solidaires
Les contrats dits responsables et solidaires, qui offrent des garanties de base harmonisées, font également l’objet de critiques. Leur extension progressive a entraîné une hausse du prix des contrats, ce qui a poussé certains assurés à se tourner vers des offres moins protectrices, mais plus taxées. La mission d’information préconise de « recentrer » ces contrats pour maintenir des tarifs plus abordables, tout en garantissant un niveau de protection adéquat.
Médecines douces : un coût non négligeable
Le rapport s’attarde également sur la prise en charge des médecines « douces » (ostéopathie, sophrologie, naturopathie…), dont le coût a explosé ces dernières années. En huit ans, les prestations liées à ces pratiques ont été multipliées par cinq, atteignant près d’un milliard d’euros en 2022. Pourtant, les sénateurs soulignent que leur efficacité n’est pas prouvée scientifiquement.
Ils proposent donc de rendre ces prestations optionnelles pour les assurés qui ne souhaitent pas y recourir, dans le but de faire baisser les cotisations des complémentaires santé.
Un coup de pouce pour les retraités modestes
Les sénateurs n’oublient pas les retraités, particulièrement affectés par la hausse des tarifs des mutuelles, en raison de contrats individuels souvent plus coûteux. Le rapport appelle à renforcer la solidarité intergénérationnelle pour plafonner les cotisations des personnes âgées.
Xavier Iacovelli suggère en parallèle la création d’une complémentaire santé solidaire (C2S) dédiée aux seniors aux revenus modestes, notamment ceux dont les ressources se situent entre le minimum vieillesse et un plafond à déterminer. Le sénateur plaide également pour une meilleure information des retraités sur leurs droits, afin de lutter contre le taux élevé de non-recours à ces aides.
Quelles suites pour le rapport ?
Ce rapport, salué pour ses propositions concrètes, ne vise pas à faire baisser immédiatement les tarifs des complémentaires, mais à les contenir dans un contexte où les dépenses de santé continueront d’augmenter avec le vieillissement de la population.
Xavier Iacovelli espère maintenant négocier avec le gouvernement pour intégrer certaines de ces propositions au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). « Nous avons la chance d’avoir à la tête de cette mission une présidente qui est désormais membre du gouvernement », se réjouit le sénateur. Néanmoins, les marges de manœuvre restent limitées, notamment en raison du déficit public élevé.