- La nomination de Michel Barnier à Matignon et sa déclaration de politique générale ont ravivé les tensions au sein de l’Assemblée nationale.
- Les groupes politiques se sont vivement exprimés, oscillant entre opposition frontale, soutien conditionnel et critiques acerbes.
La déclaration de politique générale du nouveau Premier ministre, Michel Barnier, prononcée le 1er octobre à l’Assemblée nationale, a suscité des réactions contrastées. Entre soutien, opposition et vigilance, les chefs de file des groupes politiques se sont succédé à la tribune pour répondre à cette nouvelle ère gouvernementale. Le débat met en lumière les tensions croissantes entre la majorité et ses opposants, alors que Barnier cherche à consolider une majorité hétérogène.
Une nomination contestée par la gauche
À la tribune, le Nouveau Front populaire (NFP) n’a pas tardé à dénoncer la légitimité de la nomination de Michel Barnier à Matignon. Selon eux, les résultats des dernières législatives auraient dû conduire à la formation d’un gouvernement de gauche. Boris Vallaud, président du groupe Socialistes et apparentés, a lancé une attaque frontale contre le nouveau chef du gouvernement : « Votre nomination est le fruit d’une grave faute politique et institutionnelle. » Il a également accusé Barnier d’incarner « la continuation du macronisme dans sa part la plus à droite, la plus réactionnaire. »
Le chef des socialistes n’a pas hésité à souligner la dépendance du gouvernement vis-à-vis du Rassemblement national (RN) : « Votre avenir dépend du RN qui vous accorde sa confiance a priori. » Selon lui, cette situation ébranle la confiance des Français : « Partout dans la société, des hommes et des femmes ont refusé la fatalité de l’accession de l’extrême droite au pouvoir. Cet engagement est ébranlé du seul fait que vous et votre parti avez récusé le front républicain. » Le NFP, a-t-il confirmé, déposera une motion de censure.
Mathilde Panot, présidente du groupe La France Insoumise, a, elle aussi, vivement critiqué le Premier ministre. Dans une déclaration virulente, elle a accusé Michel Barnier de se reposer sur le soutien tacite du Rassemblement national : « Vous vous mettez dans la main du Rassemblement national, bien heureux de vous servir de larbin », a-t-elle asséné. Selon Panot, la nomination de Barnier n’est qu’une stratégie de Emmanuel Macron pour maintenir sa politique : « Votre nomination est le signe qu’Emmanuel Macron souhaite soumettre ses députés à plus minoritaires qu’eux-mêmes, pour continuer sa politique. »
Marine Le Pen pose des « lignes rouges »
Du côté du Rassemblement national, la réaction a été plus mesurée, mais non sans conditions. Marine Le Pen, la présidente du groupe, a expliqué que son parti avait fait « un choix responsable » en refusant de censurer le gouvernement a priori. Toutefois, elle a prévenu que le RN exercerait une vigilance stricte sur trois priorités : « le pouvoir d’achat, l’immigration et la sécurité. » Elle a également établi des « lignes rouges » à ne pas franchir, comme une éventuelle réforme fiscale qui toucherait les classes moyennes ou le refus d’introduire une part de proportionnelle dans le mode de scrutin. Elle a aussi exigé une « loi immigration restrictive » pour début 2025.
Gabriel Attal : soutien conditionnel d’Ensemble pour la République
Gabriel Attal, président du groupe Ensemble pour la République, a quant à lui apporté un soutien plus nuancé. Tout en réaffirmant son attachement à l’État de droit, Attal a indirectement répondu aux propos controversés du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, qui avait récemment affirmé que l’État de droit n’était « pas intangible, ni sacré ». « Au sommet de nos valeurs, il y a l’État de droit, a insisté Gabriel Attal. On peut avoir une parole forte, sans hystériser. »
Sur le fond, Attal a exprimé la volonté de son groupe de soutenir les réformes qui rendront la France « plus forte, plus prospère, plus juste, plus sûre ». Toutefois, il a fixé certaines limites, notamment en matière de fiscalité, sans pour autant évoquer de lignes rouges précises.
Laurent Wauquiez : soutien sans réserve des Républicains
Enfin, le soutien le plus affirmé est venu de la droite républicaine. Laurent Wauquiez, président du groupe Les Républicains, a salué la décision de son parti de participer à l’équipe gouvernementale de Michel Barnier. « Pour empêcher les semeurs de chaos d’abîmer notre pays, la Droite républicaine s’est engagée pour que la France sorte de l’impasse, a-t-il déclaré. Cela suppose de rompre avec la politique menée depuis sept ans. » Wauquiez a également exprimé un soutien total à Bruno Retailleau, affirmant que « le ministre de l’Intérieur aura la totalité de notre soutien ».
La déclaration de politique générale de Michel Barnier marque le début d’une période politique incertaine. Face à une opposition déterminée et un soutien conditionnel de certains alliés, le Premier ministre devra composer avec des équilibres fragiles. Entre le spectre d’une motion de censure et la vigilance des partis qui l’ont épargné, l’avenir politique de son gouvernement dépendra de sa capacité à répondre aux attentes variées et souvent contradictoires des forces en présence.