Face aux enjeux croissants du dérèglement climatique et des inégalités fiscales, les députées écologistes Eva Sas et Cyrielle Chatelain ont présenté ce jeudi une proposition de loi visant à imposer une taxation significative des entreprises pétrogazières, suscitant un débat essentiel sur la responsabilité des grandes entreprises dans la transition écologique.
Le groupe écologiste à l’Assemblée nationale a déposé, ce jeudi 3 octobre, une proposition de loi visant à taxer les entreprises pétrogazières, portée par les députées Eva Sas et Cyrielle Chatelain. Ce projet, qui s’inscrit dans une volonté de justice fiscale, repose sur le principe du pollueur-payeur. « Il est de la responsabilité des entreprises pétrogazières de financer la réparation des conséquences du dérèglement climatique », a déclaré Eva Sas, soulignant que la taxe pourrait rapporter entre 650 millions et 1,3 milliard d’euros.
Cette initiative arrive à un moment crucial, à une semaine de la présentation du budget 2025 au Conseil des ministres. Eva Sas a critiqué le projet de taxation proposé par le gouvernement de Michel Barnier, qui, selon elle, « ne veut pas nuire à la compétitivité » des grandes entreprises. La députée estime « inimaginable » de ne pas demander une contribution supplémentaire aux géants pétroliers, surtout alors que le gouvernement prévoit une baisse des dépenses de 40 milliards d’euros, des coupes qui, selon elle, « vont impacter le quotidien des Français ».
Un projet de taxation plus sévère
La taxe proposée s’appuiera sur la contribution temporaire de solidarité, instaurée en 2023 pour les entreprises dont 75 % au moins du chiffre d’affaires provient des secteurs pétrolier, gazier, charbon et raffinage. Cette contribution avait rapporté 61 millions d’euros l’an dernier, un montant bien en deçà des attentes. « On corrige les failles », a affirmé Eva Sas, qui souhaite élargir le périmètre pour toucher davantage d’entreprises. Elle préconise également de doubler le taux de cette contribution et d’exclure le report de déficit antérieur, qui réduit la base fiscale.
En matière de consommation, la députée a précisé qu’il « sera interdit de répercuter » cette contribution sur le prix à la pompe des carburants, avec des sanctions « dissuasives » pour les contrevenants. « Ce n’est pas le consommateur qui doit payer, mais bien l’entreprise Total et ses actionnaires », a-t-elle insisté.
Le contexte économique : une pression accrue sur les géants
Cette proposition de loi intervient alors que le gouvernement a récemment annoncé une contribution exceptionnelle pour les entreprises ayant réalisé plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. Dans ce contexte, TotalEnergies, qui a enregistré près de 20 milliards d’euros de profits en 2023, est particulièrement dans le viseur des écologistes.
Lors d’une présentation de sa stratégie aux investisseurs à New York, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a réagi à ces propositions. Il a expliqué que la discussion tournait autour d’une « taxe de 1 %, similaire à ce qui se pratique aux États-Unis », ajoutant : « Il m’est difficile de m’y opposer, car c’est ce qui se passe aux États-Unis. » Concernant le relèvement possible de l’impôt sur les sociétés de 28 à 33 %, il a précisé que « l’ampleur de l’impôt sur les bénéfices est assez limitée pour TotalEnergies, qui fait l’essentiel de ses profits à l’étranger. Je ne m’attends donc pas à ce qu’il y ait beaucoup d’impact pour nous ».
Un appel à la justice fiscale
Eva Sas a également annoncé que le Nouveau Front populaire présentera ses mesures budgétaires la semaine prochaine, précisant : « Nous allons proposer des amendements, ensemble, au projet de loi de finances 2025 pour qu’il aille plus dans le sens de la justice fiscale. » Les députées écologistes espèrent ainsi mobiliser une majorité autour de « mesures de bon sens » pour « amenuiser l’effort que devrait faire les Français ».
À un moment où la question de la taxation des superprofits des géants du CAC 40 devient de plus en plus pressante, cette proposition de loi pourrait marquer un tournant dans la lutte pour une fiscalité plus équitable en France.
