Deux semaines à peine après l’entrée en fonction de Michel Barnier à Matignon, une première motion de censure contre son gouvernement a été déposée. Portée par 192 députés du Nouveau Front populaire (NFP), cette initiative traduit les vives tensions qui traversent déjà l’Assemblée nationale. Pourtant, en dépit de l’effervescence qu’elle suscite, cette motion a peu de chances d’aboutir.
Une remise en cause de la légitimité du gouvernement
Dans le texte déposé ce vendredi, les députés du NFP reprochent au président de la République d’avoir nommé Michel Barnier, alors que leur coalition est sortie en tête des dernières élections législatives. Selon eux, « l’existence de ce gouvernement, dans sa composition et ses orientations, est une négation du résultat des élections ». En clair, le NFP considère que c’est leur candidat qui aurait dû être désigné Premier ministre, avec pour mission de former un gouvernement capable de « bâtir des majorités texte par texte ».
Ce premier point de discorde reflète une situation politique tendue, dans laquelle l’opposition de gauche cherche à affirmer son rôle de contre-pouvoir face à un gouvernement perçu comme en décalage avec les attentes issues des urnes.
Réforme des retraites et rigueur budgétaire : le cœur des critiques
La motion de censure s’appuie aussi sur des désaccords de fond, notamment la politique sociale et budgétaire du gouvernement. La réforme des retraites, adoptée en 2023, demeure un sujet particulièrement sensible. Le NFP accuse Michel Barnier de refuser tout débat sur ce texte controversé, qui a déjà provoqué de nombreuses mobilisations sociales dans le pays. « C’est un gouvernement qui s’entête à maintenir une réforme rejetée par une grande partie de la population », fustige un élu socialiste.
Les orientations budgétaires du gouvernement sont également critiquées. Les députés de gauche redoutent des coupes sévères dans les dépenses publiques. « Les textes budgétaires qui se préparent seront parmi les plus austères de ces vingt-cinq dernières années », préviennent-ils. Dans ce contexte, la politique économique de Michel Barnier est perçue comme une continuation de celle menée précédemment, marquée par la rigueur budgétaire et la réduction des dépenses sociales.
Un gouvernement critiqué pour son inaction écologique
Autre point d’achoppement : l’environnement. Alors que la question climatique est désormais au cœur des préoccupations publiques, la motion de censure accuse le gouvernement Barnier de « se contenter de vaines paroles » sur ce sujet crucial. Pour les députés écologistes et insoumis, la politique environnementale de l’exécutif manque de concret et de mesures ambitieuses. « C’est un gouvernement qui fait des promesses sans véritable plan d’action », déplore un élu écologiste.
Le Rassemblement national en arbitre inattendu
Malgré ces critiques, la motion de censure devrait peiner à réunir une majorité. Le Rassemblement national (RN), fort de ses 89 députés, a déjà fait savoir qu’il ne soutiendrait pas cette initiative. Laure Lavalette, députée RN, a estimé qu’il était trop tôt pour juger le gouvernement. « On va donner sa chance au gouvernement, on ne peut pas ajouter du chaos à la situation actuelle », a-t-elle expliqué jeudi sur France 2, face à des représentants du NFP.
Cette décision prive la motion d’un soutien crucial, réduisant considérablement ses chances d’être adoptée. Le NFP comptait sur un front plus large, notamment du côté de la droite dure, pour donner du poids à son initiative.
Des soutiens possibles au-delà de la gauche ?
Toutefois, la partie n’est pas totalement jouée. Certains députés non-inscrits ou appartenant au groupe Liot (Libertés et Territoires) pourraient se rallier à la censure, tout comme une poignée de mécontents du camp présidentiel. Ces élus, plus marginaux, pourraient décider de voter contre le gouvernement en raison de divergences ponctuelles, notamment sur des sujets comme la réforme des retraites ou la politique environnementale.
Cependant, même avec ces soutiens ponctuels, la barre des 289 voix, nécessaire pour faire tomber le gouvernement, semble difficile à atteindre. Pour l’heure, la motion de censure s’apparente davantage à une démarche symbolique visant à montrer les muscles, plutôt qu’à une véritable tentative de renverser l’exécutif.