À l’approche de la présentation du budget 2025, Michel Barnier dévoile des réformes pour redresser les finances publiques et éviter une crise budgétaire imminente, malgré des mesures impopulaires qui suscitent déjà de vives réactions.
À quelques jours de la présentation du budget 2025, le Premier ministre Michel Barnier a levé le voile sur les grandes lignes de son projet de loi dans une interview exclusive accordée à La Tribune Dimanche. Face à une situation budgétaire critique, il annonce des mesures sévères visant à réaliser 60 milliards d’euros d’économies, un effort partagé entre 40 milliards de réductions des dépenses publiques et 20 milliards de hausses d’impôts.
« Je veux que l’effort soit juste », a affirmé Michel Barnier, reconnaissant que les décisions à venir seront impopulaires mais nécessaires. Ce plan ambitieux a pour objectif de ramener le déficit public de 6 % à 5 % du PIB d’ici la fin de l’année prochaine.
« La crise est probable si on ne fait rien »
Michel Barnier ne cache pas la gravité de la situation : « La crise, si on ne fait rien, est probable », a-t-il déclaré. La dette publique, qui atteint aujourd’hui 3 228,4 milliards d’euros, est un poids immense pour les finances du pays. « Les intérêts de cette dette coûtent près de 55 milliards d’euros par an aux Français », a-t-il rappelé. Le Premier ministre a insisté sur la responsabilité de son gouvernement face à cette situation : « C’est un devoir de responsabilité de freiner le déficit public ».
Pour cela, il faudra faire des choix difficiles, notamment en matière de retraites. Michel Barnier propose de geler provisoirement les pensions, une mesure qui, selon lui, constitue « un effort raisonnable qui traduit cet effort collectif et partagé ». Le report de la revalorisation des retraites du 1er janvier au 1er juillet 2025 devrait permettre d’économiser 4 milliards d’euros. Toutefois, Barnier a ouvert la porte à d’éventuelles alternatives : « Si les parlementaires trouvent des économies équivalentes ailleurs, cette mesure pourrait être revue ».
Hausses d’impôts et réductions d’allègements pour les entreprises
Dans ce cadre d’austérité, les entreprises ne sont pas épargnées. Le Premier ministre prévoit de revoir les allègements de charges dont elles bénéficient actuellement. « Il existe 80 milliards d’allègements de charges pour les entreprises, nous souhaitons en retirer 4 et favoriser une meilleure dynamique salariale au-dessus du Smic avec les 76 milliards restants », a expliqué Barnier.
Cette décision a suscité des tensions au sein même du gouvernement. Le prédécesseur de Barnier, Gabriel Attal, devenu chef de file de la majorité parlementaire, a déjà exprimé son désaccord sur ces augmentations d’impôts. Cependant, Michel Barnier a tenu à apaiser les divergences : « La dette que j’ai trouvée n’est pas seulement celle de mes prédécesseurs immédiats, mais le fruit de vingt ans de laisser-aller ». Il a d’ailleurs rendu hommage à Gabriel Attal pour « avoir commencé à réduire la dépense publique et à faire des efforts ».
L’État mis à contribution
L’effort budgétaire ne s’arrêtera pas aux seules retraites et entreprises. Tous les ministères seront concernés, y compris des secteurs souvent protégés comme la Défense, la Justice ou la Recherche. « Nous allons demander un effort à tous les ministres, a affirmé Barnier. Ils devront fournir leur part d’efforts, notamment par des redéploiements ».
D’autres réformes sont sur la table, notamment celle de l’assurance chômage. Le Premier ministre a annoncé vouloir instaurer une allocation sociale unique qui fusionnerait plusieurs prestations sociales, avec pour objectif que « les personnes au travail gagnent systématiquement plus que celles qui ne travaillent pas ». En outre, il souhaite lutter contre la fraude en sécurisant les cartes Vitale en les liant aux cartes d’identité numériques.
Dialogue et tensions au sein de la majorité
Le Président de la République, Emmanuel Macron, a également abordé le sujet lors du sommet de la Francophonie, affirmant que le budget 2025 devra être présenté en concertation avec les groupes parlementaires. « Il appartient au Premier ministre de mener les affaires de son gouvernement et de le faire en dialogue avec les groupes parlementaires », a-t-il déclaré, tout en restant en retrait sur les détails du projet.
Dans les rangs de la majorité, Gabriel Attal et Gérald Darmanin, ancien ministre de l’Intérieur, ont manifesté leur opposition à certaines des hausses d’impôts envisagées. Cette opposition reflète les difficultés rencontrées par Barnier pour obtenir l’unanimité au sein de son propre camp. Cependant, le Premier ministre reste déterminé à mener à bien ses réformes, en affirmant qu’il aura « besoin de tout le monde ».
Alors que le gouvernement se prépare à présenter le budget 2025, les jours à venir s’annoncent décisifs pour Michel Barnier. Son projet de loi repose sur un équilibre délicat entre austérité et justice sociale. Le Premier ministre devra convaincre non seulement les parlementaires, mais aussi une opinion publique réticente face aux mesures impopulaires qu’il propose.