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Tunisie : une élection présidentielle sous contrôle, l’opposition étouffée

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  •  C’est le jour J pour l’élection présidentielle en Tunisie. Le climat politique se tend alors que le président sortant Kaïs Saïed s’achemine vers une réélection contestée.
  • L’élection présidentielle se déroule dans contexte marqué par l’exclusion de la majorité des candidats d’opposition et une série de réformes controversées.

Dimanche 6 octobre, près de 9,7 millions d’électeurs tunisiens sont appelés à élire leur prochain président, dans un climat politique de plus en plus étouffant. Si la date marque officiellement un moment clé pour la démocratie tunisienne, les conditions dans lesquelles ce scrutin se déroule suscitent une vive polémique. Avec seulement trois candidats en lice, dont le président sortant Kaïs Saïed, beaucoup dénoncent une élection jouée d’avance.

Kaïs Saïed, vers une réélection sans surprise

Président depuis 2019, Kaïs Saïed a renforcé son emprise sur le pouvoir au fil des ans, notamment depuis son coup de force de juillet 2021, lorsqu’il a suspendu le Parlement et s’est octroyé les pleins pouvoirs. Aujourd’hui, son chemin vers une réélection semble largement balisé. Seuls deux autres candidats ont été autorisés à se présenter, malgré les nombreuses réclamations de l’opposition, qui critique un processus électoral biaisé.

À la dernière élection présidentielle, en 2019, pas moins de 26 candidats avaient été validés. Cinq ans plus tard, ce chiffre a chuté à trois, sous l’œil méfiant des défenseurs des droits humains. L’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), autrefois un garant de la transparence électorale post-révolutionnaire, est désormais sous le contrôle direct du président. Une réforme constitutionnelle adoptée en avril 2022 a permis à Kaïs Saïed de nommer lui-même ses membres, ce qui alimente les suspicions d’une élection verrouillée.

Une opposition muselée

L’opposition se retrouve en grande difficulté. Parmi les deux autres candidats autorisés à concourir, Ayachi Zammel, 47 ans, fait face à de sérieux problèmes judiciaires. Cet ancien député, relativement inconnu du grand public, a été condamné à quatorze ans de prison pour des affaires de faux parrainages. Arrêté dès le jour de la validation de sa candidature par l’Isie, il mène une campagne limitée, avec des vidéos préenregistrées diffusées par ses équipes sur les réseaux sociaux. Malgré sa candidature maintenue, ses chances de remporter l’élection semblent plus que compromises.

Le second candidat, Zouhair Maghzaoui, 59 ans, issu du parti nationaliste Mouvement du Peuple, a été un ancien allié de Kaïs Saïed. Bien que sa présence dans la course soit actée, ses critiques restent étouffées dans un contexte où le président bénéficie d’un contrôle presque total sur les rouages institutionnels.

Des réformes législatives controversées

La révision de la loi électorale à seulement neuf jours du scrutin a accentué les craintes d’une élection truquée. Le Parlement tunisien a voté une réforme qui transfère désormais l’arbitrage des contentieux électoraux à la cour d’appel, relevant ainsi de la justice pénale, alors qu’auparavant, ces litiges étaient du ressort de la justice administrative. Un changement critiqué par l’opposition et les organisations internationales, qui y voient une tentative supplémentaire de Kaïs Saïed pour verrouiller le processus électoral.

Pour Bassam Khawaja, directeur adjoint Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, il ne fait aucun doute que l’élection est « faussée ». L’organisation dénonce « l’arrestation de dizaines d’opposants et d’activistes » et « l’exclusion presque totale de concurrents sérieux de la course à la présidence », rendant le scrutin « une simple formalité ».

Un retour en arrière sur la démocratie tunisienne ?

Depuis la révolution de 2011 qui a renversé Zine el-Abidine Ben Ali, la Tunisie était vue comme un modèle de transition démocratique dans la région. Mais le paysage politique a considérablement changé sous Kaïs Saïed. Selon Amnesty International, le pays traverse un « recul inquiétant des droits fondamentaux ». Les réformes engagées par Saïed semblent défaire les acquis démocratiques chèrement obtenus après la chute du régime Ben Ali.

L’élection de dimanche pourrait sceller définitivement ce virage autoritaire. Si Kaïs Saïed semble assuré de l’emporter, les interrogations sur l’avenir de la Tunisie demeurent. Les voix critiques, étouffées, dénoncent une dérive autocratique qui pourrait entraîner des tensions internes accrues dans les mois à venir.

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