L’Assemblée nationale a franchi un nouveau cap dans l’affaire Aurore Bergé, en votant la transmission au procureur d’une demande de poursuites pour faux témoignage, suite à des révélations troublantes concernant ses liens présumés avec une lobbyiste des crèches privées.
Le bureau de l’Assemblée nationale a voté, ce mercredi 9 octobre, en faveur de la transmission au procureur de la République d’une demande de poursuites pour faux témoignage contre Aurore Bergé. L’ancienne ministre des Solidarités et des Familles est accusée d’avoir menti devant une commission d’enquête, en niant tout lien personnel avec Elsa Hervy, lobbyiste des crèches privées. Cette décision a été adoptée par dix voix contre neuf, dans un contexte politique déjà tendu.
Une accusation fondée sur des révélations
À l’origine de cette procédure se trouvent les révélations du journaliste Victor Castanet, auteur du livre-enquête Les Ogres (Flammarion), qui a mis en lumière un possible « pacte de non-agression » entre Aurore Bergé et Elsa Hervy, déléguée générale de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC). Lors d’une audition devant une commission d’enquête sur le modèle économique des crèches, Aurore Bergé avait pourtant récusé tout lien « personnel, intime ou amical » avec la lobbyiste.
Or, des documents révélés par franceinfo et obtenus par Castanet contredisent cette déclaration. Un échange de courriels datant du 1er août 2023 entre Aurore Bergé et sa directrice de cabinet fait état d’une relation amicale entre la ministre et la lobbyiste. Dans cet échange, l’ancienne ministre parle d’Elsa Hervy comme étant « une copine », relançant ainsi les soupçons sur la véracité de ses propos.
Les réactions politiques se multiplient
Cette procédure a été initiée par les députés de La France insoumise (LFI) et du groupe écologiste, qui voient dans cette décision une victoire. Sur X (anciennement Twitter), Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l’Assemblée, a salué ce vote avec enthousiasme : « Immense victoire du Nouveau Front populaire ! Aurore Bergé rendra des comptes pour avoir menti devant la représentation nationale ». Elle a également critiqué les liens présumés de l’ex-ministre avec le secteur privé des crèches, ajoutant : « On ne copine pas avec les lobbies qui maltraitent les enfants quand on est ministre en charge de la petite-enfance. »

Le chef du groupe socialiste à l’Assemblée, Boris Vallaud, a également justifié cette décision en affirmant : « Nous, socialistes, considérions qu’il y avait matière à faire cette transmission au parquet qui décidera ensuite de l’opportunité des poursuites. » Il a précisé que le bureau de l’Assemblée nationale n’est pas une instance de jugement, mais une institution administrative chargée de transmettre la demande à la justice. « Ce n’est pas une décision politique qui a été prise », a-t-il souligné, cherchant à apaiser les tensions.
Aurore Bergé se défend
Aurore Bergé, de son côté, a rapidement réagi sur les réseaux sociaux, dénonçant ce qu’elle perçoit comme une manœuvre politique. « Le NFP – majoritaire au bureau de l’Assemblée nationale – a sans surprise décidé une nouvelle fois de se soumettre à LFI et sa demande infondée à mon encontre », a-t-elle écrit sur X, ajoutant que « la gauche n’en finit plus son naufrage politique et démocratique ». Elle a minimisé la portée de cette décision en concluant simplement : « Next ».

L’ancienne ministre a par ailleurs annoncé avoir déposé plainte en diffamation après la publication des révélations de Victor Castanet. Elle dénonce ce qu’elle qualifie de « tentative d’instrumentalisation politique » de la procédure par ses adversaires.
Une simple transmission, pas une condamnation
La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a tenu à clarifier la situation en rappelant que cette transmission au procureur ne préjuge en rien de la culpabilité d’Aurore Bergé. « Cette décision de transmission ne vaut pas décision de justice », a-t-elle précisé au micro de franceinfo. Elle a insisté sur le fait que « le bureau de l’Assemblée n’est en aucune manière une instance de jugement » et que « le procureur sera libre de poursuivre ou pas, et d’enquêter sur ces faits ».
Braun-Pivet a également regretté que certains commentaires sur les réseaux sociaux cherchent à « tromper les Français en considérant que le Bureau a déjà jugé », alors que seule la justice pourra se prononcer sur le fond de l’affaire.
