Lactalis, leader mondial des produits laitiers, a annoncé une réduction drastique de ses volumes de collecte, une mesure qui suscite une vive indignation parmi les éleveurs.
Le secteur laitier français entre dans une nouvelle zone de turbulences après la récente annonce de Lactalis. Le groupe, leader mondial des produits laitiers, a décidé de réduire de 9 % d’ici 2030 les volumes de lait excédentaires collectés en France, destinés en grande partie à l’exportation sous forme de poudre. Cette décision, justifiée par des difficultés sur les marchés internationaux, a déclenché une vague de protestations parmi les syndicats et les éleveurs, qui dénoncent un véritable coup porté à la filière.
Le 8 octobre, Jean-Marc Bernier, directeur général de Lactalis France, a reconnu dans une interview accordée au Parisien qu’il s’agissait d’une « décision difficile » à prendre. Selon lui, cette réduction permettrait de « mieux valoriser » les volumes destinés au marché intérieur.
Il a également insisté sur l’accompagnement des éleveurs concernés, affirmant que Lactalis s’engage à « chercher des solutions pour tous » en les mettant en relation avec d’autres acteurs du marché grâce à un cabinet de gestion de transition mandaté à cet effet. « Nous nous engageons à tout faire pour », a-t-il ajouté.
Une onde de choc dans le monde rural
Cette annonce a provoqué un tollé au sein de la filière laitière, qui peine déjà à se remettre des précédentes crises. Annie Genevard, la nouvelle ministre de l’Agriculture, a rapidement réagi, indiquant qu’elle rencontrerait Jean-Marc Bernier « dans les jours qui viennent ». Lors d’un débat organisé au Sénat, elle a qualifié cette décision de « coup de tonnerre », en soulignant l’ampleur des répercussions. « La perte de collecte de 450 millions de litres de lait est une terrible nouvelle pour plus de 700 exploitants, et va surtout porter un préjudice non seulement à l’éleveur lui-même, à son exploitation, à sa famille, mais à la vie rurale de façon générale », a déploré la ministre.
Le sénateur écologiste Daniel Salmon a lui aussi exprimé sa colère face à cette annonce, critiquant le manque de transparence de Lactalis. « Cette annonce a provoqué un choc terrible parmi les producteurs et cela se fait dans une totale opacité », a-t-il affirmé, avant de remettre en question les priorités du groupe alors que ce dernier a réalisé un chiffre d’affaires record en 2023 de l’ordre de les 30 milliards d’euros.
Un contexte difficile pour les agriculteurs
Le mécontentement des éleveurs est d’autant plus compréhensible que cette annonce intervient dans un contexte de crise pour l’ensemble du secteur agricole. Depuis plusieurs années, les agriculteurs dénoncent la faiblesse de leur rémunération et les normes imposées par l’Union européenne. En janvier dernier, des manifestations ont éclaté en France et dans plusieurs pays européens pour protester contre ces difficultés, tandis que le précédent gouvernement avait promis des mesures d’urgence à hauteur de 400 millions d’euros. Toutefois, ces engagements sont restés en partie lettre morte, retardés par la dissolution de l’Assemblée nationale.
Face à cette situation, Annie Genevard a tenu à rappeler l’importance de l’accompagnement des éleveurs. « Moi, ce qui me préoccupe particulièrement, c’est la dimension humaine de cette affaire. La dimension humaine, pour les éleveurs. C’est une déflagration dans leur vie professionnelle, personnelle, familiale », a-t-elle souligné, précisant que le gouvernement travaillerait de concert avec la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) pour apporter un soutien aux exploitants touchés.
Des inquiétudes pour l’avenir de la filière
Pour les syndicats agricoles, la décision de Lactalis risque d’avoir des répercussions durables sur la filière. Alors que les exploitants peinent déjà à maintenir leurs exploitations à flot, cette réduction des volumes de lait collecté pose la question de la viabilité économique de nombreuses fermes laitières. Comme l’a fait remarquer Daniel Salmon, « Quel message déplorable envoyé alors que les agriculteurs se battent tous les jours pour redynamiser le secteur et que la filière appelle au renouvellement des générations. Qui voudra reprendre une ferme laitière dans ce contexte ? »
L’annonce de Lactalis de réduire la collecte de lait en France d’ici 2030 a déclenché une crise majeure dans le secteur laitier, frappant de plein fouet les exploitations agricoles déjà fragilisées. Si le groupe justifie cette décision par des impératifs économiques, les conséquences humaines et sociales sont désastreuses pour les éleveurs. Entre incompréhension, colère et inquiétude pour l’avenir, la filière laitière française se trouve une nouvelle fois au cœur d’une tourmente dont les répercussions pourraient être profondes et durables.
