Le gouvernement Barnier a annoncé dimanche son intention de déposer une nouvelle loi sur l’immigration, dont l’examen pourrait commencer dès début 2025. Ce projet, détaillé en partie par Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, prévoit notamment la prolongation de la durée maximale de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière jugés dangereux. Cette durée pourrait passer de 90 à 210 jours, une mesure qui suscite déjà de vifs débats au sein de la classe politique.
« Aucun tabou en matière de protection des Français »
Lors de son intervention sur BFMTV dimanche 13 octobre, Maud Bregeon a expliqué que cette nouvelle loi sur l’immigration vise à « adapter un certain nombre de dispositions », notamment pour mieux contrôler les étrangers en situation irrégulière. « Il y aura besoin d’une nouvelle loi, notamment pour permettre la prolongation de la rétention administrative des étrangers clandestins jugés dangereux », a précisé la porte-parole du gouvernement, ajoutant que l’exécutif n’avait « aucun tabou en matière de protection des Français ».
En plus de cette mesure clé, Maud Bregeon a laissé entendre que le gouvernement pourrait aller plus loin en réfléchissant à d’autres dispositifs. « On ne s’interdit pas de réfléchir à d’autres dispositions », a-t-elle ajouté, laissant planer le doute sur le contenu exact de la future loi.
Satisfaction du Rassemblement national
Le Rassemblement national (RN) n’a pas tardé à réagir à cette annonce. Jordan Bardella, président du parti, a exprimé sa satisfaction face à cette initiative, qu’il perçoit comme une reprise de ses propres propositions. « Cela prouve que plus rien ne peut se faire sans nous au Parlement », a-t-il déclaré sur BFMTV lundi 14 octobre, avant d’ajouter : « Je m’amuse beaucoup de voir tous ces gens nous faire barrage aux élections et venir reprendre des mesures ou des propositions que nous avons pu formuler pendant les campagnes électorales. »
Toutefois, Bardella a tenu à clarifier qu’il n’existait pas d’accord tacite entre son parti et le gouvernement sur cette question. « Il n’y a aucun deal immigration contre budget avec l’exécutif », a-t-il insisté, écartant l’idée d’une quelconque manœuvre politique secrète.
Divisions au sein de la majorité
Si cette annonce réjouit le RN, elle divise profondément les macronistes. D’un côté, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, s’est montré favorable à ce projet de loi, qu’il considère comme une étape nécessaire dans la lutte contre l’immigration clandestine. De l’autre, Gabriel Attal, ancien Premier ministre, a exprimé de fortes réserves sur l’opportunité de légiférer à nouveau sur ce sujet.
Sur France Inter, Gabriel Attal a clairement exposé ses doutes : « Ce qui compte, c’est moins de savoir si on fait ou pas une loi. Ce qui compte, c’est peut-être de savoir ce qu’on veut mettre dedans », a-t-il déclaré, soulignant que la dernière loi sur l’immigration, adoptée en janvier sous le gouvernement d’Élisabeth Borne, n’est même pas encore pleinement en vigueur. « On a adopté une loi il y a moins d’un an, avec certaines mesures qui ne sont pas encore en vigueur car les décrets ne sont pas encore sortis », a-t-il rappelé, pointant l’inutilité, selon lui, d’une nouvelle loi tant que les précédentes n’ont pas été pleinement appliquées.
Une opposition de gauche unanime
À gauche, la nouvelle loi est perçue comme un geste politique adressé à l’extrême droite. Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, a vivement critiqué cette annonce, qu’il considère comme une manœuvre visant à apaiser le Rassemblement national. « La loi immigration vient juste d’être votée, l’encre est à peine sèche, et le nouveau gouvernement voudrait déjà en refaire une, tout cela pour donner des gages à Marine Le Pen et au RN qui menacent de ne pas voter le budget », a-t-il déclaré dimanche sur Franceinfo.
Un avis partagé par Sandrine Rousseau, députée écologiste, qui, sur LCI, a estimé que ce projet révélait la faiblesse du gouvernement actuel. « Ça dit tout du problème de ce gouvernement, c’est-à-dire l’assise sur laquelle il se fonde pour rester, l’assise parlementaire sur laquelle il compte pour rester, c’est le Rassemblement national », a-t-elle fustigé.
Les Insoumis, de leur côté, n’ont pas mâché leurs mots. Éric Coquerel, président de la commission des finances, a dénoncé sur X (anciennement Twitter) ce qu’il considère comme une dérive droitière du gouvernement. « Je ne suis même pas sûr que les macronistes qui ont imaginé une énième loi immigration “sans tabou”, c’est-à-dire raciste, démagogique, dangereuse pour l’État de droit, ont la moindre honte », a-t-il lancé. Selon lui, ce projet incarne l’« extrême-droitisation par le haut » de la politique française, une tendance qu’il juge alarmante.
Une accumulation législative inefficace ?
Au-delà des querelles politiques, une critique plus fondamentale se fait entendre : celle de l’accumulation des lois sur l’immigration, qui, selon certains, n’apporte pas de solution pérenne. Cyrielle Chatelain, députée écologiste, a rappelé sur X qu’en moyenne, la France a voté une loi sur l’immigration tous les deux ans depuis 1945. « Une accumulation législative qui ne règle rien et qui ces dernières années a détruit la vie de nombreuses personnes », a-t-elle souligné.