- Alors que la généralisation de la réforme du RSA est prévue pour 2025, plusieurs associations, dont le Secours catholique, alertent sur ses effets potentiellement néfastes.
- Elles dénoncent une obligation d’activité jugée excessive pour les allocataires les plus vulnérables, et appellent à une suspension immédiate du dispositif.
Le Secours catholique, ATD Quart Monde et d’autres associations tirent la sonnette d’alarme sur la réforme du Revenu de Solidarité Active (RSA). Dans un rapport publié ce lundi, elles dénoncent des « dérives » potentielles liées à la nouvelle obligation pour les bénéficiaires de réaliser 15 heures d’activité hebdomadaires. Face à ce qu’elles considèrent comme des risques pour les allocataires les plus vulnérables, elles demandent la suspension immédiate du dispositif, dont la généralisation est prévue pour 2025.
1,82 million d’allocataires concernés
La réforme du RSA, introduite par la loi « plein emploi » de 2023, vise à renforcer l’insertion professionnelle des bénéficiaires à travers des « contrats d’engagement ». Ces contrats imposent aux allocataires de s’investir dans diverses activités, allant de l’immersion en entreprise à des démarches administratives, pour un minimum de 15 heures par semaine. En cas de non-respect, des sanctions sont prévues, allant jusqu’à la suspension des allocations.
Cette réforme touche directement 1,82 million d’allocataires du RSA, représentant 3,65 millions de personnes avec leurs familles. Un chiffre jugé alarmant par le Secours Catholique, qui souligne que cette mesure « concerne trop de personnes, parmi les plus pauvres ». Sophie Rigard, porte-parole de l’association, appelle à « prendre le temps » d’étudier les effets de cette réforme, au vu des « dérives » mises en lumière par une étude menée conjointement avec ATD Quart Monde et Aequitaz.
Travail gratuit et concurrence déloyale
Les associations pointent du doigt un risque majeur : le glissement vers une forme de travail gratuit. Le dispositif, qui inclut des activités variées comme l’obtention du permis de conduire ou la participation à des projets associatifs, pourrait éloigner les bénéficiaires de leur véritable projet d’insertion. Elles craignent aussi un impact négatif sur le marché du travail. « Le RSA pourrait entrer en concurrence avec des emplois publics ou privés, tirant vers le bas les conditions de travail et de rémunération », préviennent-elles.
Cette inquiétude est partagée par des syndicats et organisations telles que la FSU, Emmaüs, la Fondation Abbé Pierre ou encore la Ligue des droits de l’Homme. Ensemble, ils redoutent que les allocataires soient poussés à accomplir des tâches sans perspective d’embauche réelle, fragilisant ainsi leurs chances de réintégrer durablement le marché du travail.
Une atteinte à l’autonomie des allocataires ?
Un autre point sensible soulevé par les associations concerne l’accompagnement renforcé des bénéficiaires, perçu comme intrusif et déshumanisant. Selon le rapport, l’usage d’algorithmes pour orienter les bénéficiaires vers des activités spécifiques réduit leur autonomie. Pire encore, les radiations des listes de bénéficiaires seraient en augmentation, aggravant ainsi la précarité de certains foyers.
Loin d’offrir une solution pérenne, ce système d’accompagnement pourrait en réalité limiter les chances de retour à l’emploi. Les associations déplorent un dispositif « contrôlant » plutôt que véritablement « aidant », ne tenant pas suffisamment compte des besoins individuels des personnes concernées. Le rapport se veut un premier bilan non-exhaustif, basé sur les témoignages d’allocataires et de professionnels de l’insertion, ainsi que sur des enquêtes journalistiques et les données de France Travail.
Le gouvernement défend sa réforme
Face à ces critiques, le gouvernement met en avant les premiers résultats encourageants du dispositif. L’ancien Premier ministre Gabriel Attal a salué début mars un « progrès colossal », affirmant que « dans les cinq mois suivant leur entrée dans un parcours d’insertion, une personne sur deux a trouvé un emploi », un chiffre bien supérieur à ceux d’avant la réforme, où seulement une personne sur dix retrouvait un emploi durable après sept ans de RSA.
Une étude de la Direction des études et des statistiques des ministères sociaux (Dress) publiée fin 2023 nuance toutefois ces résultats. Elle montre qu’entre 2011 et 2020, parmi les personnes entrées dans le RSA en 2010, seule une personne sur dix percevait encore le RSA chaque fin d’année, tandis que celles ayant au moins quatre ans d’ancienneté étaient encore bénéficiaires à hauteur de 36,7 %.
Une évaluation cruciale attendue
Avant sa généralisation prévue au 1er janvier 2025, la réforme du RSA fera l’objet d’une évaluation commandée par le ministère du Travail. Celle-ci est attendue d’ici la fin de l’année et devra permettre de dresser un bilan plus complet des effets du dispositif.
Les associations espèrent que cette évaluation prendra en compte les retours des allocataires et des professionnels de l’insertion afin de corriger les dérives constatées. Elles continuent de demander la suspension du dispositif en attendant que des mesures plus justes et adaptées aux réalités des bénéficiaires soient mises en place.