Ce mercredi 16 octobre, la commission des finances de l’Assemblée nationale a débuté l’examen du projet de loi de finances pour 2025. Parmi les mesures phares, l’article 3, portant sur la mise en place de la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR), a suscité de vifs échanges. Cette nouvelle taxation, qui cible les contribuables les plus fortunés, s’inscrit dans un ensemble plus large de réformes fiscales, alors que le gouvernement et les parlementaires cherchent à concilier équité sociale et réduction du déficit public
La contribution différentielle sur les hauts revenus
L’article 3, qui a été adopté par la commission des finances, marque une étape décisive pour assurer une imposition minimale des contribuables les plus riches. La CDHR prévoit un taux d’imposition plancher de 20 % pour les personnes seules dont le revenu dépasse 250 000 € par an, et 500 000 € pour les couples. Cette mesure vise à combler un vide fiscal en garantissant que les foyers les plus fortunés participent pleinement à l’effort collectif.
David Amiel, député d’Ensemble pour la République, a défendu la mesure en la comparant à un dispositif de justice fiscale : « Le bouclier fiscal est un montant maximum d’impôt qui peut être demandé. Avec cette contribution différentielle, nous mettons en place un filet fiscal qui, de la même manière, s’assure d’une contribution minimale des plus fortunés. »
Un amendement de Charles De Courson (LIOT) a été adopté, éliminant les retraitements fiscaux initialement prévus qui permettaient à certains foyers d’échapper à cette nouvelle imposition. De Courson a expliqué que, sans cet amendement, « seulement 24 000 foyers » auraient été concernés par la mesure, loin des 62 000 prévus. Avec cette modification, l’objectif du gouvernement est d’atteindre les 2 milliards d’euros de recettes fiscales.
Vers la pérennisation de la mesure ?
La question de la durée d’application de la CDHR a également suscité des débats. Initialement prévue pour être temporaire, certains députés, notamment Jean-Paul Matteï (MoDem) et Aurélien Le Coq (LFI), ont plaidé pour la pérennisation de cette mesure au-delà de 2026. Jean-Paul Matteï a ainsi souligné qu’ »une mesure de justice fiscale n’est pas limitée dans le temps », rappelant l’importance de cette réforme pour l’équité du système fiscal.
Eric Coquerel (LFI) a soutenu cet avis en pointant du doigt un déséquilibre dans les mesures fiscales : « Tout ce qui est temporaire et ponctuel dans ce projet de budget concerne les plus hauts revenus. Tout ce qui est décidé de manière définitive et stable concerne tous les autres. »
Augmentation du prélèvement forfaitaire unique
En parallèle des discussions sur la CDHR, la commission a également adopté un amendement porté par Jean-Paul Matteï visant à augmenter le taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % à 33 %. Ce prélèvement, communément appelé « flat tax », avait été instauré en 2018 après la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), pour inciter les contribuables à investir dans l’économie.
Jean-Paul Matteï a justifié cette augmentation en expliquant qu’elle visait à « rééquilibrer la participation du revenu du capital par rapport aux revenus du travail qui contribuent plus au budget de l’État ». Cette modification est perçue comme une tentative d’ajuster les efforts fiscaux des différentes sources de revenus dans un souci de justice fiscale, bien que certains groupes aient proposé d’aller encore plus loin en augmentant ce taux à 40 %.
Réformes de la fiscalité immobilière et lutte contre l’évasion fiscale
Les discussions ont également porté sur la fiscalité immobilière. Un amendement défendu par Jean-Paul Matteï prévoit, pour 2026 et 2027, une réforme de la taxation des plus-values immobilières. L’objectif est de supprimer les critères de durée de détention d’un bien, qui incitent aujourd’hui certains propriétaires à garder des biens hors du marché pour échapper à une imposition.
Plusieurs mesures de lutte contre l’évasion fiscale ont également été adoptées, notamment un amendement déposé par Éric Coquerel (LFI) pour instaurer un « impôt universel ciblé ». Cette proposition vise à imposer les contribuables français résidant dans des pays où la fiscalité est inférieure de plus de 50 % à celle de la France. L’amendement permettrait d’imposer ces contribuables sur le différentiel entre ce qu’ils paient dans leur pays de résidence et ce qu’ils auraient dû payer s’ils étaient restés en France.
Un débat sous tension face à l’inflation et au déficit public
Les discussions ont été également alimentées par des inquiétudes sur la dérive du déficit public, qui pourrait atteindre 6,1 % du PIB en 2024, contre les 6 % visés. Les députés de l’opposition, mais aussi certains membres de la majorité, ont demandé la tenue d’un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour répondre à la situation. Mathieu Lefèvre (Ensemble pour la République) a présenté un amendement en ce sens, adoptée en commission, permettant au gouvernement de « prendre toutes les mesures nécessaires, afin d’agir sur la dépense publique en 2024. »
Le rapporteur général de la commission des finances, Charles De Courson, a toutefois rappelé que ces ajustements budgétaires, bien que nécessaires, ne représentaient qu’une solution temporaire, et que le véritable enjeu restait de stabiliser durablement les finances publiques.