Cinq mois seulement après l’adoption du pacte sur l’immigration, les dirigeants européens se retrouvent à Bruxelles, ce jeudi 17 octobre, pour discuter d’un nouveau durcissement de la politique migratoire. Une pression politique croissante, alimentée par la montée en puissance des partis d’extrême droite, les pousse à remettre ce sujet brûlant au centre des débats.
Une Europe sous pression populiste
La question migratoire n’a jamais été aussi présente dans les préoccupations des Européens. En Allemagne, les récentes élections régionales ont révélé une forte progression de l’extrême droite, tout comme en Autriche lors des législatives. Partout, les partis nationalistes, qui prônent une ligne dure sur l’immigration, gagnent du terrain, obligeant les gouvernements à réagir.
Cette montée en puissance a fait du thème de l’immigration une priorité pour les dirigeants de l’Union européenne, réunis en sommet à Bruxelles. Le pacte migration et asile adopté en mai dernier, et qui ne devrait entrer en vigueur qu’en 2026, est déjà perçu comme insuffisant par plusieurs États membres. Les appels à un durcissement des règles se multiplient, en particulier sur la question des expulsions de migrants en situation irrégulière.
Les « hubs de retour » : une proposition polémique
Le sujet phare de ce sommet concerne la mise en place de « hubs de retour », des centres d’accueil situés dans des pays tiers, hors de l’Union européenne, destinés à accueillir les migrants en attente d’expulsion. Cette solution, inspirée par l’Italie de Giorgia Meloni, qui a déjà commencé à transférer des migrants vers l’Albanie, divise profondément les États membres.
L’Italie, soutenue par des pays comme la Grèce, la Pologne et la Hongrie, considère ces centres comme une réponse innovante à la crise migratoire. Cependant, l’Allemagne, par la voix de son chancelier Olaf Scholz, a rejeté cette idée, la qualifiant de « goutte d’eau » face à l’ampleur du problème. L’Espagne s’oppose également fermement à cette option, tandis que la France, plus mesurée, prône une solution intermédiaire, préférant favoriser le retour des migrants dans leurs pays d’origine plutôt que leur transfert vers des centres en dehors de l’Europe.
Une Union européenne divisée
Si certains pays comme la Hongrie de Viktor Orban militent pour un durcissement maximal, d’autres, à l’image de l’Espagne ou de la France, plaident pour une approche plus équilibrée. Le débat sur ces « hubs de retour » révèle de profondes divergences entre les États membres sur la manière de gérer l’immigration.
À cela s’ajoute la tentation, de plus en plus forte chez certains, de s’affranchir des règles européennes en matière migratoire. La Hongrie, la Finlande ou encore les Pays-Bas ont exprimé leur volonté de contourner les directives européennes, un discours qui rappelle celui de Michel Barnier en 2021, lorsqu’il prônait de rétablir la « souveraineté juridique » des pays face aux contraintes de Bruxelles.
La réponse européenne : vers une nouvelle législation ?
Pour tenter de répondre à ces tensions, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a récemment proposé de réviser la « directive retour » de 2008, afin de faciliter les expulsions des migrants en situation irrégulière. Cette initiative, qui avait échoué en 2018, semble désormais trouver un écho plus favorable, dans un contexte politique qui a évolué « vers la droite », selon plusieurs observateurs européens.
Cette offensive législative intervient alors que les chiffres de l’immigration clandestine baissent. Selon l’Agence européenne Frontex, le nombre de passages illégaux aux frontières de l’UE a chuté de 42 % au cours des neuf premiers mois de 2024, par rapport à la même période en 2023. Néanmoins, malgré cette baisse, la pression politique reste forte et la question migratoire continue de diviser.
Le sommet du 8 novembre à Budapest, sous la présidence tournante de Viktor Orban, pourrait également marquer une étape décisive dans ce processus. La Hongrie, aux commandes du Conseil de l’UE jusqu’à la fin de l’année, pourrait bien peser de tout son poids pour promouvoir des solutions plus radicales, inspirées de son propre modèle nationaliste.
Entre surenchère et pragmatisme
Si certains États membres appellent à une surenchère législative face à l’immigration, d’autres, plus modérés, tentent de garder un cap pragmatique. L’Union européenne doit trouver un équilibre délicat entre la nécessité de répondre aux attentes de ses citoyens, de plus en plus sensibles aux discours populistes, et le respect de ses engagements en matière de droits de l’homme et de solidarité.
L’Europe est à la croisée des chemins : soit elle parvient à unir ses États membres autour d’une politique migratoire équilibrée, soit elle cède aux pressions populistes en adoptant des mesures toujours plus dures.
