- Le sommet européen qui s’est tenu à Bruxelles le 17 octobre 2024 a été marqué par des appels à une action urgente contre l’immigration irrégulière.
- Les dirigeants de l’UE ont exigé des mesures immédiates pour accélérer les expulsions, tandis que des désaccords profonds ont émergé concernant la meilleure façon de gérer ce défi complexe.
Réunis à Bruxelles jeudi 17 octobre, les dirigeants de l’Union européenne ont durci leur discours sur la gestion de l’immigration irrégulière, réclamant « en urgence » une législation pour accélérer les expulsions de migrants en situation illégale. Toutefois, derrière cet appel à l’unité, des divergences profondes ont émergé lors des discussions, reflétant des visions parfois opposées sur la manière de gérer ce défi majeur pour l’UE.
Appel à l’action rapide : accélérer les retours
Dans leurs conclusions, les Vingt-Sept ont appelé à une action déterminée et coordonnée pour faire face à l’immigration irrégulière. « Le Conseil européen appelle à agir de manière déterminée, à tous les niveaux, pour faciliter, accroître et accélérer les retours depuis l’Union européenne », ont-ils déclaré, insistant sur la nécessité d’adopter rapidement de nouvelles lois pour simplifier et accélérer les expulsions des migrants.
Cet appel survient alors que l’agence européenne Frontex a annoncé une baisse de 42 % des passages clandestins détectés aux frontières de l’UE au cours des neuf premiers mois de 2024, comparé à la même période en 2023. Malgré cette diminution, la pression migratoire reste forte, alimentée par des crises politiques et humanitaires à travers le monde.
Débat sur les « Hubs de Retour »
L’une des propositions les plus débattues lors de ce sommet a été celle des « hubs de retour », des centres d’accueil pour migrants situés dans des pays tiers. L’idée consiste à transférer les migrants interceptés dans ces centres en dehors de l’Union européenne. Cette approche, promue par l’Italie sous la houlette de Giorgia Meloni, a suscité des critiques de la part de plusieurs dirigeants européens.
L’Italie, qui a conclu un accord avec l’Albanie pour y envoyer les migrants arrêtés dans ses eaux, défend cette solution comme une manière innovante de réduire la pression migratoire. Lors d’une réunion informelle organisée par Giorgia Meloni en marge du sommet, une dizaine de pays, dont les Pays-Bas, la Grèce, l’Autriche, la Pologne et la Hongrie, se sont montrés favorables à cette idée. Pourtant, cette stratégie divise profondément au sein de l’UE.
Le président français Emmanuel Macron s’est montré « sceptique », tandis que le chancelier allemand Olaf Scholz a également exprimé des réserves. Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez est allé plus loin, estimant que les hubs de retour « ne s’attaquent à aucun des problèmes et en créent de nouveaux ». Pour Sánchez, la solution passe par une mise en avant des bienfaits de l’immigration légale, notamment pour répondre aux besoins du marché du travail européen.
L’Europe face à la montée des partis nationalistes
Cette question de l’immigration divise également les pays en fonction de leur orientation politique, avec une influence croissante des partis d’extrême droite en Europe. Ces partis, qui prônent des politiques d’immigration plus strictes, ont gagné du terrain dans de nombreux pays et pèsent désormais lourdement sur les décisions prises au niveau européen.
Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement italien et leader du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, a été particulièrement active lors du sommet pour promouvoir des solutions « fermes » face à l’immigration irrégulière. En écho à ses positions, Marine Le Pen, figure de l’extrême droite française, a salué la direction prise par certains gouvernements européens. Présente à Bruxelles pour une réunion des Patriotes pour l’Europe, Le Pen s’est réjouie que « certains dans l’UE entendent ce que nous disons depuis des années ».
Les discussions sur l’immigration ont également été marquées par des préoccupations liées à la sécurité. Le Premier ministre polonais Donald Tusk a rappelé la pression migratoire que subit la Pologne, accusant la Russie et la Biélorussie d’utiliser les migrants comme une arme dans une attaque « hybride » destinée à déstabiliser l’UE, en pleine guerre en Ukraine.
Un équilibre entre immigration régulée et expulsions
Au-delà des querelles internes, un consensus se dégage sur la nécessité de trouver un équilibre entre l’immigration régulée et la gestion des expulsions. L’Allemand Olaf Scholz a plaidé pour une Europe « ouverte à l’immigration de main-d’œuvre qualifiée » tout en insistant sur l’importance de réduire la migration irrégulière. Ce double enjeu, réduire les entrées illégales tout en permettant une immigration économique ciblée, semble être une voie sur laquelle plusieurs États membres sont prêts à s’engager.
Le Pacte migration et asile, adopté par l’UE en mai 2024 et devant entrer en vigueur en 2026, prévoit déjà un durcissement du filtrage aux frontières et un mécanisme de solidarité pour la prise en charge des demandeurs d’asile. Toutefois, les détails de sa mise en œuvre et la gestion des retours risquent de continuer à alimenter les débats dans les mois à venir.