Six mois après l’échec de leurs premières discussions sur la « vie au travail » et dans un contexte économique tendu, les partenaires sociaux se retrouvent autour de la table. Les négociations, qui ont repris ce mardi 22 octobre, réunissent syndicats et organisations patronales avec un objectif : redéfinir les règles de l’indemnisation des demandeurs d’emploi à partir de 2025, et mettre en place des mesures pour favoriser l’emploi des seniors. Le compte à rebours est lancé, les partenaires ayant jusqu’à la mi-novembre pour trouver un accord.
Seniors et chômage : un enjeu majeur
Avec le report à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, le maintien en emploi des seniors devient une priorité. Cependant, le marché du travail français reste peu propice à leur prolongation d’activité : les entreprises tendent encore à se séparer de leurs salariés les plus âgés bien avant cet âge, rendant les seniors particulièrement vulnérables au chômage de longue durée.
Les discussions actuelles visent à corriger cette tendance. Outre la redéfinition des règles d’indemnisation du chômage, les négociations portent sur des dispositifs permettant de garder les seniors en activité. Ces mesures sont d’autant plus cruciales que, depuis un an, l’âge à partir duquel les demandeurs d’emploi bénéficient d’une indemnisation plus longue a été décalé de deux ans pour s’aligner sur l’âge de la retraite. Cette réforme, imposée par le gouvernement d’Élisabeth Borne, devait générer 440 millions d’euros d’économies par an, mais elle a aussi exacerbé la nécessité de trouver des solutions pour ces travailleurs expérimentés.
Un édifice financier fragile
Les défis financiers ne manquent pas. L’Unédic, qui gère le régime d’assurance chômage, a récemment révisé ses prévisions budgétaires à la baisse. Initialement prévu à 900 millions d’euros d’excédent pour 2024, ce chiffre a été ramené à 300 millions. Si l’organisme paritaire prévoit un retour à un excédent plus conséquent dès 2025 (1,8 milliard) et jusqu’à 9,4 milliards en 2027, ces projections demeurent conditionnelles. En effet, ces résultats supposent la fin des prélèvements opérés par l’État sur les comptes du régime, notamment via des exonérations de charges non compensées.
L’Unédic, qui peine encore à réduire une dette de 44,3 milliards d’euros (dont une part importante liée aux mesures d’urgence prises pendant la crise du Covid), est donc sous pression pour assurer son équilibre financier à long terme. Dans ce contexte, les négociations sur les économies à réaliser pour le chômage des seniors sont scrutées de près.
Retraites progressives : un levier à débloquer ?
Parmi les dossiers sur la table figure également l’élargissement des retraites progressives, un dispositif qui permet aux seniors de réduire leur temps de travail tout en touchant une partie de leur retraite. Aujourd’hui peu développé en France, ce mécanisme est jugé prometteur pour prolonger la carrière des salariés tout en préservant leur qualité de vie.
Les syndicats, menés par la CFDT, réclament que les retraites progressives deviennent un droit opposable, c’est-à-dire que les employeurs ne puissent pas refuser cette option à leurs salariés. Ce point reste cependant sujet à débat, certains craignant que les négociations ne se bloquent à nouveau, comme cela avait été le cas au printemps dernier.
Des négociations sous tension
En toile de fond de ces discussions se trouve une demande gouvernementale supplémentaire : 400 millions d’euros d’économies annuelles, que la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, espère voir dégager. Ces économies, prévues dans le budget 2025, concernent notamment l’indemnisation des travailleurs transfrontaliers, dont beaucoup sont employés en Suisse. Pour l’heure, les syndicats se montrent peu enclins à accéder à cette requête, jugeant que les efforts consentis par les chômeurs sont déjà suffisants.
Olivier Guivarch, de la CFDT, a d’ailleurs fait savoir que les partenaires sociaux manquent de temps pour s’attarder sur cette demande, soulignant que l’équilibre global du régime d’assurance chômage doit rester la priorité. Depuis 2021, les réformes successives ont déjà réduit les droits des demandeurs d’emploi de 25 milliards d’euros, selon la CFDT.
Une course contre la montre
Les discussions sont d’autant plus tendues que les partenaires sociaux ne partent pas de zéro. En novembre 2023, un accord avait été signé par plusieurs syndicats (CFDT, FO, CFTC) et les organisations patronales. Cet accord, validé par une partie des acteurs, n’avait pas obtenu le soutien du gouvernement, faute de mesures suffisantes sur l’emploi des seniors. Aujourd’hui, les négociations doivent tenir compte de ce précédent tout en réévaluant les économies à réaliser.
Les discussions s’articulent autour de quatre thèmes principaux : le dialogue social, les entretiens de mi-carrière, les mesures favorisant l’emploi des seniors, et l’aménagement des fins de carrière. Les partenaires sociaux espèrent trouver un terrain d’entente avant le 15 novembre.
