- Alors que le déficit de l’État pousse le gouvernement à demander des efforts financiers aux collectivités locales, les élus relancent le débat sur la suppression de la taxe d’habitation.
- Pour nombre d’entre eux, il est urgent de réintroduire une forme de contribution fiscale pour assurer l’autonomie des communes et soulager leurs finances fragilisées.
Alors que le gouvernement impose des efforts financiers aux collectivités locales pour redresser les finances publiques, la question de la taxe d’habitation revient au centre du débat. Cette taxe, supprimée en 2023 après avoir été une promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017, suscite aujourd’hui de vives discussions. Face à des budgets municipaux sous tension, des voix s’élèvent parmi les élus locaux pour réintroduire une contribution fiscale. Mais pour ces responsables, un retour pur et simple de la taxe d’habitation n’est pas envisageable : l’objectif serait de penser un nouveau modèle de contribution, plus équitable.
Une « erreur démagogique » pour certains élus
Plusieurs élus locaux dénoncent les effets de la suppression de la taxe d’habitation. Pour Jean-François Debat, président par intérim de l’association Villes de France, cette suppression s’est avérée être une erreur stratégique : « La suppression de la taxe d’habitation a été une mesure démagogique. La démagogie, ça paye électoralement, mais ça se paye budgétairement, et l’État a compensé la perte de 23 milliards d’euros de ressources fiscales par du déficit », estime-t-il.
Antoine Homé, coprésident de la commission des finances de l’Association des maires de France (AMF), partage cette analyse, soulignant que la suppression de la taxe a « coupé tout lien fiscal entre nombre d’habitants et leur commune ». Selon lui, cette réforme a fortement impacté l’autonomie des collectivités locales, un principe qu’il considère pourtant « essentiel » à la bonne gestion des territoires.
Vers une contribution « universelle et progressive » ?
Pour tenter de pallier le manque à gagner provoqué par la suppression de cet impôt local, l’AMF propose aujourd’hui une « cotisation universelle progressive », un système qui permettrait de dégrèvements pour les foyers les plus modestes. « Il ne s’agit pas de rétablir la taxe d’habitation, mais de réfléchir à une contribution citoyenne au service public », explique Antoine Homé. Selon lui, il est temps de repenser la fiscalité locale en prenant en compte les ressources des contribuables, afin d’éviter une pression fiscale identique pour tous.
Le député Insoumis David Guiraud partage cette idée d’une fiscalité plus ciblée. Pour lui, une nouvelle contribution locale pourrait se limiter aux foyers les plus aisés, les 20 % les plus riches de la population : « Il faut garder 50 % du produit de l’ancienne taxe d’habitation en ne taxant que les plus riches. On estime que dans cette période de crise, ils peuvent se le permettre », a-t-il argumenté. Selon un amendement récemment déposé par la France Insoumise, une telle mesure pourrait rapporter jusqu’à 8 milliards d’euros par an.
« La pire des solutions » selon certains élus
Dans le camp des Républicains, les positions sont plus nuancées. Jean-François Copé, maire de Meaux, admet que la suppression de la taxe d’habitation fut « la grande erreur du quinquennat ». Mais, selon lui, une réintroduction à l’identique serait « la pire des solutions ». Plutôt que de rétablir cet impôt, il suggère de créer une nouvelle « taxe sur la résidence », destinée à remplacer à la fois la taxe foncière et la taxe d’habitation, mais qui « concernerait tout le monde sauf les plus modestes ». Cette proposition vise à minimiser la charge pour les ménages les plus vulnérables, tout en redonnant aux communes un moyen de financement stable.
Entre soutien et opposition : les tensions politiques
Cette proposition de retour de la taxe d’habitation sous une forme ou une autre divise fortement. Certains élus, notamment au Rassemblement national et dans la majorité présidentielle, dénoncent une « surenchère fiscale ». Jean-René Cazeneuve, député Ensemble pour la République, rejette cette idée, affirmant que « c’est un impôt extrêmement injuste qui pesait sur l’ensemble des Français sans tenir compte de leurs revenus ».
Du côté du gouvernement, la réintroduction de la taxe d’habitation n’est pas à l’ordre du jour. Le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a rappelé sur France 2 que la suppression de cette taxe a représenté un gain de pouvoir d’achat de 20 milliards d’euros pour les ménages français. « Ces acquis-là, il faut les préserver », a-t-il insisté, précisant que la réflexion sur la fiscalité locale « ne doit pas forcément » passer par un nouvel impôt.
