Dans le cadre de sa journée d’initiative parlementaire, le Rassemblement national (RN) a soumis à l’Assemblée une proposition de loi pour assouplir les conditions d’expulsion des étrangers jugés menaçants pour l’ordre public. Portée par la députée Edwige Diaz, cette initiative entendait imposer l’expulsion systématique de toute personne étrangère condamnée pour des infractions graves, une mesure soutenue par le parti d’extrême droite comme une nécessité sécuritaire. Mais l’Assemblée a largement rejeté cette proposition, la jugeant inefficace, inapplicable, et même contraire à la Constitution.
Un texte controversé pour une réponse radicale
En pleine séance, Edwige Diaz a défendu une réforme jugée indispensable pour protéger les Français des « crimes évitables » commis, selon elle, par des étrangers sous le coup d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). « Avec le Rassemblement national, les étrangers délinquants et criminels passeront de la prison à l’expulsion, sans passer par la case libération », a-t-elle martelé. Cette mesure prévoit, entre autres, d’abaisser à 16 ans l’âge à partir duquel un étranger mineur pourrait être expulsé en cas de liens établis avec des activités terroristes.
La proposition du RN, qui vise à établir une obligation d’expulsion pour toute condamnation de plus de trois ans de prison, cible selon Diaz une « menace grave » qui ne peut plus être tolérée sur le sol français.
Des limites juridiques et constitutionnelles
Face à cette proposition, Nicolas Daragon, ministre délégué à la Sécurité du quotidien, a exprimé sa compréhension des objectifs affichés, mais a vivement critiqué le dispositif. « Oui, les étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public doivent être expulsés du territoire national », a-t-il déclaré. Toutefois, il a jugé le texte inconstitutionnel, notamment en raison de la suppression de toutes protections juridiques, ce qui va à l’encontre des engagements internationaux de la France.
Le ministre a notamment dénoncé l’idée d’expulser des mineurs de 16 ans, rappelant que cette disposition violerait le principe constitutionnel de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. En réponse, Daragon a promis de nouvelles mesures gouvernementales, « pragmatiques et réalisables », visant à réduire l’immigration tout en respectant les lois de la République.
Des critiques sévères de la gauche et du bloc central
La proposition de loi du RN a fait l’objet de critiques acerbes de l’opposition, notamment de La France Insoumise et de la Gauche Démocrate et Républicaine. « Votre seule boussole, c’est la haine des étrangers », a asséné Thomas Portes (LFI), accusant le RN de vouloir justifier « l’expulsion massive de millions de personnes ». Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a pour sa part dénoncé une « stigmatisation systématique de l’étranger ».
Au-delà de la gauche, les partis de l’ex-majorité présidentielle ont également exprimé leur opposition, mais en mettant en avant des arguments plus pragmatiques. Vincent Caure (Ensemble pour la République) a souligné que les lois actuellement en vigueur, comme la réforme migratoire de janvier 2024, facilitent déjà l’expulsion des étrangers condamnés. « Votre texte est un coup d’épée dans l’eau », a-t-il ajouté, en soulignant les difficultés d’application de ces expulsions, en grande partie dues aux obstacles diplomatiques et administratifs liés aux laissez-passer consulaires.
Une droite républicaine divisée et des soutiens en demi-teinte
Bien que critique envers le manque de pertinence juridique du texte, Eric Pauget, représentant de la Droite Républicaine, a affirmé qu’il voterait en faveur de la proposition, montrant ainsi les divisions au sein de la droite. « Je regrette qu’une fois de plus vos bancs soient clairsemés », a rétorqué Edwige Diaz, en déplorant le manque de soutien tangible pour faire passer sa proposition.
Dans les rangs du bloc central, certaines voix se sont même élevées contre les propos de leur propre gouvernement. Florent Boudié (Ensemble pour la République), président de la commission des lois, a marqué son désaccord avec le ministre Daragon, arguant que le texte du RN risque d’assimiler les étrangers à des délinquants de manière systématique. Benjamin Lucas (Écologistes et Sociaux) a quant à lui accusé le ministre de reprendre des discours de l’extrême droite, laissant entendre que Daragon semblait flirter dangereusement avec les positions du RN.
En écho, Edwige Diaz a ironisé sur le discours du ministre, évoquant une possible « adhésion au Rassemblement national », avant de se plaindre d’une « argumentation constitutionnelle » utilisée comme prétexte.
Un vote de rejet sans appel
Face à une majorité d’opposants et un amendement de suppression voté par l’Assemblée, Edwige Diaz a finalement retiré la proposition de loi. Un geste qui ne marque pas pour autant la fin de ce débat sensible : « La question reviendra », a promis la députée du RN, renvoyant au calendrier électoral de 2027 pour revenir à la charge.
De son côté, le gouvernement s’engage à proposer des « mesures pragmatiques et fermes », l’exécutif indique sa volonté de prendre en main le dossier de l’immigration dans le cadre de la légalité républicaine.