- L’enseigne de grande distribution Auchan s’apprête à annoncer la suppression de 2400 emplois en France, un coup dur pour ses salariés.
- Prévu lors d’un Comité Social et Économique ce mardi 5 novembre, ce plan de restructuration intervient dans un contexte économique difficile pour le groupe, marqué par des pertes financières importantes.
L’enseigne de grande distribution Auchan, acteur historique du commerce en France, s’apprêterait à annoncer la suppression de près de 2400 postes lors du Comité social et économique (CSE) prévu ce mardi 5 novembre. Les représentants du personnel, conviés à cette réunion qualifiée officiellement de « point sur la situation de l’entreprise », redoutent la confirmation d’une réorganisation massive des effectifs, qui toucherait des milliers de salariés, dans les magasins, les entrepôts, et même au siège.
Une réorganisation pour faire face aux pertes colossales
Auchan n’échappe pas aux turbulences économiques actuelles. Depuis plusieurs années, la multinationale fondée par la famille Mulliez enregistre des résultats en forte baisse. La maison mère, Elo, a annoncé en juillet dernier une perte record de près d’un milliard d’euros sur les six premiers mois de 2024, un chiffre qui vient encore aggraver la situation d’Auchan Retail, dont la part de marché a chuté de 11,5 % en 2012 à seulement 9 % aujourd’hui, selon les données de Kantar.
Avec des coûts de structure élevés, une présence marquée dans les hypermarchés — un format qui s’essouffle — et un modèle centré sur des magasins de grande taille, Auchan subit la pression des autres géants de la distribution. Leclerc, Carrefour et Intermarché dominent largement le secteur, avec des parts de marché respectives de 24,1 %, 21,4 % et 17,4 %. La situation oblige aujourd’hui Auchan à revoir sa stratégie en profondeur.
2400 postes menacés et des suppressions de coûts pour sauver le groupe
Selon certaines sources, l’actuel directeur général d’Auchan Retail, Guillaume Darrasse, annoncé en avril 2024, entend s’attaquer frontalement aux pertes en supprimant quelque 2400 postes. Passé par des enseignes rivales comme Leclerc et Casino, Darrasse, qui ne fait pas partie du cercle historique des Mulliez, veut amorcer un tournant stratégique. Cette restructuration massive pourrait, selon les observateurs, permettre au groupe de rationaliser ses coûts et d’ajuster ses formats de vente à une clientèle en quête de praticité et de prix bas.
Parmi les pistes envisagées, la réduction de la taille des hypermarchés à une surface cible de 8000 m² et la refonte de l’offre en rayons font partie des priorités. Autre mesure symbolique de cette nouvelle direction : une alliance avec Casino et Intermarché pour mutualiser certains achats, dans l’espoir de peser davantage face aux fournisseurs et de maîtriser les prix en rayon.
Une annonce qui suscite l’indignation et la colère de la gauche
Cette réduction d’effectifs provoque des réactions vives, en particulier dans les rangs de La France Insoumise (LFI). Clémence Guetté, vice-présidente LFI de l’Assemblée nationale, a fustigé cette décision, dénonçant « des choix de gestion irresponsables, dont les salariés payent le prix fort ». « Les 800 actionnaires du groupe Auchan se sont partagé un milliard d’euros de dividendes en 2022-2023 », rappelle-t-elle, indignée par ce qu’elle perçoit comme une injustice criante.
Le député LFI Aurélien Le Coq critique également les stratégies financières de l’enseigne, rappelant qu’Auchan a bénéficié du Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) à hauteur de 500 millions d’euros dans les années précédentes. « Ils se gavent, vident les caisses au profit des actionnaires, puis licencient », accuse-t-il.
Les critiques ne s’arrêtent pas là. La députée LFI Gabrielle Cathala s’indigne, qualifiant la décision de « scandaleuse ». Elle pointe du doigt la fortune de la famille Mulliez, exilée fiscalement en Belgique, et rappelle que la fortune familiale a quadruplé en 25 ans. Cette décision de licenciement, selon elle, est incompréhensible pour un groupe qui a généré 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023. « Je soutiens les salariés dans cette épreuve », affirme-t-elle.
Un modèle en crise et une concurrence féroce
Ce plan social massif met en lumière la crise que traverse le modèle de grande distribution traditionnel. Auchan, autrefois en tête des ventes en France, est aujourd’hui dépassé par des concurrents qui ont su adapter leurs formats et répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Les hypermarchés, ces temples de la consommation des années 90 et 2000, semblent aujourd’hui dépassés. Chez Auchan, leur surface moyenne est deux fois plus grande que celle des hypermarchés U ou Leclerc, un handicap pour la rentabilité au mètre carré.
Le groupe doit désormais s’adapter à une clientèle qui privilégie les magasins de taille moyenne et les achats en ligne, tout en répondant à des contraintes de pouvoir d’achat. Les décisions qui se dessinent dans ce plan de restructuration pourraient ainsi orienter Auchan vers un modèle plus flexible, mais au prix de lourdes conséquences pour l’emploi.
Une stratégie de survie ou un virage nécessaire ?
Pour les experts du secteur, cette annonce de licenciements pourrait représenter une dernière chance pour redresser l’enseigne. Si la direction d’Auchan parvient à faire accepter ces transformations, notamment la réduction de la taille des magasins et la modernisation de l’offre, cela pourrait lui donner un avantage concurrentiel indispensable.
Toutefois, ce remaniement se fait dans un climat social déjà tendu, et l’impact de ces suppressions de postes sur la réputation de l’enseigne pourrait à long terme affaiblir l’attractivité de la marque auprès des consommateurs.
L’avenir d’Auchan en France repose désormais sur la capacité de sa direction à trouver un équilibre entre une réduction de coûts drastique et le maintien de son attractivité commerciale. Pour les 53 200 salariés du groupe, l’incertitude est grande. Alors que les annonces se précisent, le visage de l’enseigne risque d’être durablement transformé, laissant planer des doutes sur la place future d’Auchan dans le paysage de la grande distribution française.