- À Bakou, les représentants de près de 200 pays ont adopté les premières règles de l’ONU pour encadrer le marché des crédits carbone, une avancée majeure attendue depuis l’Accord de Paris.
- Ce cadre, bien que salué par certains experts, est également critiqué pour son manque de transparence.
Au premier jour de la COP29, les représentants de près de 200 pays ont validé tard lundi soir les premières règles internationales encadrant le marché des crédits carbone. Cette adoption, saluée comme une avancée pour la lutte contre le changement climatique, répond à une attente de près de huit ans depuis l’Accord de Paris de 2015. Le texte, approuvé par consensus, ambitionne de structurer un marché aux règles jusque-là floues, tout en soulevant déjà des critiques pour son manque de transparence.
Un cadre attendu pour les crédits carbone
Les crédits carbone représentent l’une des solutions les plus débattues pour compenser les émissions de gaz à effet de serre. Un crédit équivaut à une tonne de CO₂ évitée ou retirée de l’atmosphère grâce à des projets de réduction d’émissions, comme le reboisement ou les énergies renouvelables. Jusqu’à présent, ce marché se développait sans règles strictes, ce qui a conduit à des abus et mis en lumière l’inefficacité de certains projets.
Le nouveau cadre validé par l’ONU vise à standardiser la méthodologie de calcul et les conditions d’utilisation des crédits, permettant aux pays développés d’acheter ces unités auprès de nations ayant dépassé leurs objectifs de réduction d’émissions. Selon Erika Lennon, experte au Centre pour le droit international de l’environnement (CIEL), « cette décision va ouvrir la voie à un marché du carbone plus établi et encadré par des normes de l’ONU ».
Un processus critiqué pour son manque de transparence
Pour autant, l’adoption de ces règles n’a pas été sans controverse. Erika Lennon et plusieurs ONG, dont Oil Change International, ont dénoncé un manque de transparence dans le processus. Elles regrettent un texte « poussé sans débat ou examen du public », une approche qui, selon elles, nuit à la crédibilité de la démarche.
Ces critiques soulignent le défi de construire un marché fiable et véritablement efficace. Depuis des années, des études ont montré les limites de certains crédits carbone, souvent attribués à des projets certifiés par des organismes privés peu rigoureux. En plus d’être inefficaces sur le plan climatique, ces initiatives se sont parfois révélées néfastes pour les populations locales.
Vers un marché carbone plus structuré, impact encore incertain
L’instauration de ce cadre réglementaire marque cependant une étape importante dans la mise en œuvre de l’article 6 de l’Accord de Paris, consacré aux mécanismes de marché. Les nouvelles règles s’attaquent notamment aux problèmes liés à la perte de carbone stocké — comme les incendies de forêt — et fixent des normes pour garantir la qualité des crédits échangés.
Mais l’efficacité réelle de ces crédits carbone dans la lutte contre le réchauffement climatique dépendra de l’application rigoureuse de ces normes. Les ONG demandent une vigilance accrue sur les impacts des projets sur les communautés locales, soulignant que certaines initiatives de compensation ont souvent ignoré les droits des populations autochtones.
Un compromis nécessaire mais pas suffisant
La COP29 marque ainsi un compromis, entre avancée historique et attentes déçues. En réglementant enfin le marché des crédits carbone, les Nations unies posent des fondations pour un mécanisme potentiellement plus transparent et efficace, mais l’urgence climatique impose d’aller encore plus loin. Pour Erika Lennon et de nombreux experts, ce texte, bien que crucial, n’est qu’un début.
La conférence de Bakou continue cette semaine, et d’autres textes devront être discutés pour donner corps à un marché carbone mondialement structuré et digne de l’ambition de l’Accord de Paris.