- Déterminé à bloquer l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, le Premier ministre français est à Bruxelles pour une mission délicate.
- Objectif : rallier les dirigeants européens à la position de la France pour préserver l’agriculture et les engagements environnementaux de l’UE.
Le Premier ministre français entame aujourd’hui une série de rencontres stratégiques avec les membres de la Commission européenne. Objectif : convaincre les partenaires européens de rejeter le projet de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur. Cette démarche survient alors que la France, soutenue par une large mobilisation agricole et parlementaire, dénonce un accord jugé dangereux pour ses agriculteurs et pour l’environnement.
Dans les couloirs de la capitale européenne, le Premier ministre entend bien peser de tout son poids pour rallier à sa cause les dirigeants influents de l’UE. À l’ordre du jour, des réunions avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, membre comme lui du Parti populaire européen (PPE), ainsi qu’avec des figures de poids telles que Valdis Dombrovskis, vice-président exécutif de la Commission, Paolo Gentiloni, commissaire aux Affaires économiques, et Jean-Claude Juncker, ancien président de la Commission.
Le Mercosur, un accord controversé
Au cœur de cette offensive diplomatique : l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, qui permettrait d’importer jusqu’à 100 000 tonnes de viande bovine d’Amérique du Sud chaque année en Europe. Les discussions sur ce traité, entamées il y a plus de vingt-cinq ans, ont abouti à un premier accord en 2019, mais celui-ci reste à ratifier. Pour la France, cet accord représente une menace pour ses agriculteurs, et les syndicats du secteur, fermement opposés, prévoient de nouvelles actions de mobilisation.
Les agriculteurs français craignent notamment que cet accord favorise des importations de viande à bas coût, issue de pays aux normes sanitaires et environnementales différentes de celles imposées en Europe. « Cet accord est une ligne rouge à ne pas franchir », a prévenu un leader syndical. Plus de 600 parlementaires français ont, de leur côté, adressé une lettre à Ursula von der Leyen mardi pour exprimer leur opposition au projet.
Soutien à l’accord côté allemand et espagnol
Si la France mène la fronde contre l’accord, elle se heurte au soutien affiché de certains pays, dont l’Allemagne et l’Espagne. Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, s’est exprimé en faveur de ce qu’il appelle « un grand projet » et travaille à une signature d’ici la fin de l’année. Sanchez a d’ailleurs évoqué deux échéances clés pour avancer : le sommet du G20 prévu en novembre à Rio de Janeiro et le sommet Mercosur de décembre.
Pour autant, le Premier ministre français sait qu’il peut encore renverser la balance en obtenant une minorité de blocage au sein du Conseil de l’UE. Pour ce faire, il doit rallier au moins quatre États membres. Si la Pologne et l’Autriche se montrent favorables à sa position, cela reste insuffisant. Certains à Bruxelles estiment cependant que des pays comme l’Italie, l’Irlande ou les Pays-Bas pourraient se ranger du côté français.
Le poids politique de la France dans l’UE
L’opposition française n’est pas qu’une simple question de défense des intérêts agricoles nationaux. Le président Emmanuel Macron a rappelé que « le Mercosur, en l’état, n’est pas un accord acceptable pour la France ». Quant à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, elle a été claire : « La France n’est pas seule dans ce refus. Nous devons constituer une majorité européenne pour opposer notre veto. » Le Premier ministre espère ainsi rallier un maximum de pays, dans un contexte où la mobilisation contre cet accord pourrait se renforcer dans les campagnes françaises à partir de la mi-novembre.
Une fracture politique au sein de l’UE ?
En refusant cet accord, la France met en lumière les divergences qui existent au sein de l’Union européenne sur les questions de libre-échange. Sophie Primas, la ministre chargée du Commerce extérieur, a prévenu que si l’accord venait à être ratifié malgré l’opposition française, « ce serait une brèche dans la confiance que les Français accordent à l’Europe ». Ce scénario pourrait en effet fragiliser le consensus européen en matière de politique commerciale.