Les syndicats et les organisations patronales se retrouvent aujourd’hui pour une réunion décisive au siège de l’Unedic. Objectif : finaliser les nouvelles conditions d’indemnisation des chômeurs avant janvier prochain. En cas d’échec, le gouvernement pourrait reprendre le dossier en main, une perspective qui inquiète les partenaires sociaux. Le dossier, marqué par des sujets délicats tels que l’indemnisation des seniors et des travailleurs frontaliers, soulève de nombreuses tensions dans les rangs syndicaux.
Un ultime round de négociations
À la table des négociations, les cinq organisations syndicales représentatives (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) et les trois organisations patronales (Medef, CPME, U2P) ont conscience que cet ultime round pourrait se prolonger tard dans la nuit. En jeu, un accord global, incluant la révision d’un texte négocié en novembre 2023 mais contesté par les syndicats pour ses impacts jugés défavorables. À cela s’ajoutent les nouvelles exigences du gouvernement, pressé de trouver 400 millions d’euros d’économies supplémentaires.
L’accord en discussion prévoit des changements majeurs, notamment pour les demandeurs d’emploi seniors, dont la situation est étroitement liée à la réforme des retraites, très contestée par les syndicats. Les tensions sont palpables, et les syndicats rappellent que, faute d’accord, le gouvernement pourrait intervenir de manière unilatérale pour faire passer des mesures moins favorables.
Conditions d’indemnisation : un coup dur pour les seniors ?
Le projet proposé par les organisations patronales envisage de relever de deux ans les seuils d’âge pour les indemnités chômage prolongées : ainsi, l’âge permettant d’obtenir 22,5 mois d’indemnisation passerait de 53 à 55 ans, et celui permettant de toucher 27 mois, de 55 à 57 ans. Une mesure perçue comme nécessaire par le patronat pour adapter le système aux réalités économiques, mais dénoncée par les syndicats, qui craignent qu’elle ne fragilise les travailleurs les plus âgés.
À cela s’ajoute une proposition controversée visant à réduire les indemnités des travailleurs frontaliers. Le gouvernement souhaite en effet légiférer pour aligner ces indemnités sur les niveaux de salaire en France, une mesure qui permettrait de dégager jusqu’à 350 millions d’euros par an. Les syndicats, eux, dénoncent une attaque injuste contre des travailleurs exposés à un coût de la vie souvent plus élevé dans les pays voisins.
Ajustement des conditions d’éligibilité et baisse des cotisations
L’accord de 2023, déjà approuvé par les trois organisations patronales et trois syndicats (CFDT, FO, CFTC), mais non validé par le gouvernement, prévoyait de ramener de six à cinq mois le minimum de travail nécessaire pour bénéficier de l’assurance chômage. Un ajustement qui pourrait offrir plus de flexibilité aux demandeurs d’emploi. Par ailleurs, le projet de réduction de la cotisation patronale de 4,05 % à 4 % sur les salaires divise : pour les syndicats, cette réduction risque de favoriser les employeurs sans réelle contrepartie pour les chômeurs.
L’emploi des seniors au cœur des préoccupations
Les discussions sur l’emploi des seniors occupent une place cruciale dans les débats. Avec un taux d’emploi des 60-64 ans particulièrement bas en France, le patronat a proposé des solutions, dont l’élargissement de l’accès à la retraite progressive dès 60 ans. Ce dispositif permettrait aux seniorsde travailler à temps partiel tout en percevant une fraction de leur pension, un moyen de lisser la transition vers la retraite. La CFDT a favorablement accueilli cette idée, voyant en elle un potentiel pour améliorer le taux d’emploi des seniors.
Autre dispositif proposé : un nouveau contrat de « valorisation de l’expérience ». Ce contrat, partiellement financé par l’Unédic, permettrait aux employeurs d’embaucher des seniors à un coût moindre, tout en leur offrant un niveau de rémunération proche de leur salaire précédent. Mais la mesure suscite la défiance de certains syndicats, comme la CGT et FO, qui dénoncent une « précarisation » accrue des travailleurs âgés. L’exonération progressive de cotisations pour les employeurs embauchant sous ce contrat est notamment un « point dur » pour les syndicats, qui redoutent une exploitation des seniors à moindre coût.
Des syndicats divisés et un patronat défendant un projet « équilibré »
Face à des propositions jugées parfois « irritantes », les syndicats peinent à afficher un front uni. La CGT, par la voix de Sandrine Mourey, s’est dite « incompréhensive » face à la volonté du patronat de maintenir certaines dispositions. Patricia Drevon (FO) a également exprimé son mécontentement, qualifiant le contrat de valorisation de l’expérience de « non négociable ». Jean-François Foucard (CFE-CGC), sceptique quant aux avancées pour l’emploi des seniors, a pointé du doigt des discussions, selon lui, déconnectées de la « vraie négociation » sur l’assurance chômage.
Les représentants patronaux, eux, défendent un accord « équilibré », insistant sur les ajustements nécessaires pour répondre aux contraintes économiques tout en offrant des perspectives d’emploi aux seniors.
Si les partenaires sociaux n’aboutissent pas à un compromis, le gouvernement pourrait intervenir et imposer des mesures moins avantageuses pour les chômeurs. Cette éventualité fait craindre aux syndicats une « réforme d’austérité » avec des conséquences lourdes, notamment pour les plus vulnérables.