- Le Parlement européen a voté en faveur du report d’un an de l’entrée en vigueur de la réglementation interdisant les produits liés à la déforestation.
- Un compromis salué par les entreprises, mais décrié par les défenseurs du climat.
Le Parlement européen a validé, ce mardi, le report d’un an de la mise en application de la réglementation visant à bannir la commercialisation en Europe de produits issus de terres déboisées après décembre 2020. Initialement prévue pour décembre 2024, cette mesure phare de la lutte contre la déforestation ne s’appliquera qu’à partir de décembre 2025. Une décision qui fait grincer des dents du côté des ONG environnementales et suscite de vifs débats dans l’hémicycle européen.
Un texte fragilisé par des reports
Adoptée en 2023 après des années de négociations, cette réglementation entend limiter l’impact de la consommation européenne sur la déforestation mondiale. Café, cacao, soja, huile de palme ou encore bois : tous ces produits devront désormais être accompagnés de preuves de traçabilité. Les importateurs devront s’appuyer sur des données de géolocalisation et des images satellites pour démontrer que leurs produits ne proviennent pas de terres déboisées après la fin de l’année 2020.
Selon le Parlement européen, l’Union est responsable de 10 % de la déforestation mondiale. Une réalité qui inquiète les organisations environnementales. « Les Européens ne veulent pas de produits issus de la déforestation dans les rayons des supermarchés », rappelle Greenpeace, qui qualifie ce report d’un an de « coup de tronçonneuse ».
Les pressions des États et des lobbys
Le report, initialement proposé par la Commission européenne, a été motivé par les pressions de plusieurs puissances internationales comme le Brésil, les États-Unis, et même l’Allemagne. Tous mettent en avant les difficultés économiques et administratives pour les agriculteurs et exploitants.
« Nous ne pouvons pas pénaliser injustement nos entreprises avec des charges administratives excessives », a justifié Céline Imart, eurodéputée du PPE. Ce dernier a également fait adopter un amendement controversé introduisant une nouvelle catégorie de « pays sans risque ». Ces États seraient exemptés de certaines obligations de la réglementation, une disposition jugée par ses détracteurs comme une tentative de « vider le texte de sa substance ».
Une fracture au sein du Parlement européen
Cette décision a mis en lumière des tensions politiques entre les différentes forces de l’hémicycle. Alors que les écologistes et une partie des centristes dénoncent un recul du Pacte vert européen, la droite, majoritaire au Parlement, défend un compromis qu’elle juge pragmatique.
Pour Anna Cavazzini, eurodéputée écologiste, ce vote envoie un « signal dévastateur » pour l’engagement climatique de l’Europe. « Le texte, tel qu’il est amendé, pourrait retarder encore davantage son application et réduire sa portée », prévient-elle.
À gauche, certains y voient également un mauvais signal envoyé aux pays du Sud. Ces derniers, déjà inquiets des coûts engendrés par cette législation, pourraient percevoir cette exception pour les « pays sans risque » comme une politique à deux vitesses.
Quel avenir législatif ?
Ce vote relance un cycle de négociations avec les États membres de l’Union européenne, réunis au sein du Conseil. Les discussions s’annoncent tendues, d’autant que certains amendements, dont celui sur les pays « sans risque », pourraient être supprimés dans le texte final.
Alors que l’Europe aspire à se positionner en leader mondial de la lutte contre la déforestation, le report de cette législation soulève des questions sur sa capacité à tenir ses engagements climatiques sans céder aux pressions économiques.