Alors que le monde agricole prépare un vaste mouvement de protestation, le gouvernement hausse le ton. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a lancé un avertissement clair ce dimanche, mettant en garde contre tout « dérapage ». Il a fixé « trois limites » aux manifestants tout en rappelant sa compréhension des frustrations du secteur.
Le mécontentement gronde dans les campagnes françaises. Dès ce dimanche, des mobilisations s’organisent pour dénoncer les difficultés économiques et sociales auxquelles les agriculteurs sont confrontés. Un pic de manifestations est attendu lundi, avec des actions prévues sur tout le territoire. Ces rassemblements interviennent moins d’un an après les blocages d’autoroutes de janvier dernier, qui avaient déjà révélé l’ampleur de la colère paysanne.
Invité du Grand Jury RTL/M6/Le Figaro/Public Sénat, Bruno Retailleau a reconnu que ce climat était préoccupant. « Il y a toujours des craintes lors de manifestations », a-t-il admis. Cette situation l’a conduit à dialoguer cette semaine avec des représentants syndicaux pour tenter de prévenir les débordements. Mais le ministre s’est voulu clair : si la colère est légitime, certaines limites ne devront pas être franchies.
« Pas d’atteintes aux biens ou aux personnes »
Le ministre a posé les bases d’une posture ferme. « Le droit de manifester est un droit constitutionnel, évidemment, mais il y a des limites », a-t-il déclaré. Ces limites sont au nombre de trois : « Pas d’atteintes aux biens, à plus forte raison aux personnes, et pas d’enkystement, de blocage durable », a-t-il précisé.
En cas de débordement, la réponse de l’État sera immédiate : « Ce sera tolérance zéro. Nous n’hésiterons pas à mobiliser les forces mobiles pour rétablir la circulation », a-t-il averti.
Cette fermeté tranche avec la ligne plus tolérante adoptée par son prédécesseur, qui avait laissé les agriculteurs mener des actions symboliques comme le déversement de lisier ou de fumier devant des préfectures. Interrogé à ce sujet, Retailleau a nuancé : « Je n’ai pas parlé de fumier, je n’ai pas parlé d’action symbolique, dès lors qu’il n’y a pas de dégradation de bien, d’atteinte à la personne ou de blocage, évidemment. »
Une agriculture en crise
Si Bruno Retailleau adopte une posture de fermeté, il a néanmoins montré une certaine empathie envers le monde agricole. « La France est une grande puissance agricole qui s’affaiblit d’année en année », a-t-il déploré. Selon lui, les exploitants sont pris en étau entre une « bureaucratisation à l’intérieur » et une « libéralisation à l’extérieur ».
Le ministre a notamment fustigé l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, qui permet l’importation de produits agricoles soumis à des normes moins strictes que celles imposées en France. « Cela revient à importer une agriculture que l’on interdit en France », s’est-il indigné. Retailleau a toutefois assuré que Paris entendait bloquer cet accord « par tous les moyens » et qu’il ne se sentait « pas tant que ça » isolé en Europe sur cette question.
Une réponse gouvernementale jugée insuffisante
Malgré des aides d’urgence et des annonces faites en début d’année, les syndicats agricoles jugent que « le compte n’y est pas ». La faiblesse des revenus agricoles et les contraintes administratives demeurent des sources de tension majeures.
Pour Bruno Retailleau, la situation nécessite un équilibre entre dialogue et fermeté. « J’ai engagé ce dialogue pour pouvoir éviter ces dérapages », a-t-il conclu, tout en rappelant que le gouvernement ne laissera pas les mobilisations s’inscrire dans la durée au détriment de l’ordre public.