L’École supérieure de journalisme (ESJ) de Paris, institution historique de la formation journalistique, a été rachetée par un consortium d’industriels conservateurs, dont Vincent Bolloré. Une acquisition qui relance le débat sur la concentration des médias en France et suscite des craintes quant à l’indépendance de la formation des futurs journalistes.
Fondée en 1899, l’ESJ Paris est souvent présentée comme « la plus ancienne école de journalisme du monde ». Pourtant, elle ne figure pas parmi les 14 établissements reconnus par la profession. Ce qui ne l’a pas empêchée d’être convoitée par un consortium composé de figures puissantes de l’industrie médiatique : Vincent Bolloré, Bernard Arnault (via Financière Agache), Rodolphe Saadé (CMA Médias), Bayard Presse, et d’autres.
Le nouveau président de l’institution, Vianney d’Alançon, entrepreneur catholique connu pour avoir créé le parc historique Rocher Mistral, prend la tête de cette école en promettant de « renforcer son excellence journalistique » et de « dessiner les contours du journalisme de demain ». Mais derrière ce discours se cachent des intérêts privés qui préoccupent nombre de professionnels du secteur.
Une concentration des pouvoirs qui inquiète
Le rachat de l’ESJ Paris par des propriétaires de médias majoritairement conservateurs alimente les critiques sur l’influence croissante des milliardaires dans le paysage médiatique français. Cette tendance est dénoncée par les syndicats et plusieurs observateurs.
« La reprise de cette école par un consortium de propriétaires de médias nous inquiète. Nous alertons sur le risque de formatage conservateur et favorable aux intérêts des puissants », a déclaré la CFDT Journalistes sur X. L’historien des médias Alexis Lévrier abonde dans ce sens. Dans un message publié sur son compte X, il indique :« Les écoles doivent rester indépendantes des actionnaires qui détiennent les médias. »
Ces critiques se fondent aussi sur des enquêtes récentes, dont celle du Monde, qui révèle que près de 45 % des anciens étudiants de l’ESJ travaillent aujourd’hui pour des groupes médiatiques proches de l’extrême droite ou de la droite conservatrice.
Un rachat stratégique pour Bolloré et ses partenaires
Selon des sources proches du dossier, rapporté par Le Monde, Vincent Bolloré aurait été l’un des premiers à rejoindre le projet de rachat, rapidement suivi par d’autres investisseurs. Certains, comme Rodolphe Saadé ou Bayard Presse, auraient été associés pour limiter l’emprise de Bolloré sur l’institution.
Mais pour beaucoup, l’enjeu dépasse les questions financières. Il s’agit de former une nouvelle génération de journalistes potentiellement alignés sur les lignes éditoriales de ces groupes médiatiques. Cette stratégie, déjà visible dans l’empire Bolloré, notamment avec CNews et Europe 1, inquiète celles et ceux qui militent pour une presse pluraliste et indépendante.
Une école au cœur des controverses
Si l’ESJ Paris jouit d’une notoriété historique, elle est depuis longtemps au cœur des débats. Liée à des réseaux politiques et médiatiques conservateurs, l’école a vu certains de ses anciens étudiants rejoindre des organisations ou des rédactions marquées à droite, voire à l’extrême droite.
Dans un message posté sur le site de l’école, Guillaume Jobin, ancien président, a tenu à rappeler que l’ESJ reste « l’école de journalisme de tous les Français et de tous les francophones, pas d’une minorité ». Une déclaration qui résonne comme une mise en garde face aux critiques d’une éventuelle instrumentalisation idéologique.
Le rachat de l’ESJ Paris s’inscrit dans une tendance de plus en plus critiquée : la concentration des médias entre les mains de quelques grands groupes financiers. Cette situation pose des questions fondamentales sur l’avenir de la liberté d’information et sur l’indépendance des futurs journalistes face aux intérêts des puissants.