- La réforme du financement de l’audiovisuel public progresse, mais provoque de vifs débats au sein de la sphère politique.
- Entre urgence législative et divergences profondes, la proposition de loi vise à garantir l’indépendance et la pérennité des médias publics français.
La commission spéciale de l’Assemblée nationale a adopté, mercredi 13 novembre, la proposition de loi organique visant à sanctuariser le financement de l’audiovisuel public. Ce texte, déjà validé par le Sénat, doit encore être approuvé conforme par les députés lors du débat prévu la semaine prochaine. Une étape cruciale pour garantir la stabilité financière de France Télévisions, Radio France, Arte, ou encore l’INA, tout en évitant une budgétisation redoutée par les professionnels du secteur.
Une réforme dictée par l’urgence
Depuis la suppression de la redevance audiovisuelle en 2022, un dispositif temporaire basé sur une fraction de TVA assure le financement des médias publics. Ce système arrive toutefois à échéance fin 2024. Si aucun cadre pérenne n’est adopté, le financement sera transféré au budget général de l’État dès 2025, une option qui inquiète les acteurs du secteur.
Le principal danger ? Une remise en cause de l’indépendance éditoriale et un possible classement des médias publics français comme « médias d’État » dans certains pays, ce qui pourrait limiter leur diffusion internationale.
Pour la ministre de la Culture, Rachida Dati, un vote conforme est impératif : « Un financement consolidé apportera clarté et indépendance. L’audiovisuel public est confronté à une situation d’urgence financière. »
Un financement élargi mais flexible
Le texte, dans sa version sénatoriale, propose un mécanisme de financement basé sur une « imposition de toute nature ». Cette formulation ouvre plusieurs options : maintien d’une fraction de la TVA, recours à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, et même, à terme, réintroduction d’une redevance rénovée.
Denis Masséglia, rapporteur du texte, a voulu rassurer : « Ce texte ne ferme aucune porte. » En revanche, la budgétisation, décriée par de nombreux élus, est clairement écartée.
Divergences parmi les élus
Bien que le texte ait été adopté, les discussions ont mis en lumière de profondes divergences parmi les élus, notamment concernant la précipitation imposée par le calendrier législatif. Emmanuel Grégoire (Socialistes) a dénoncé une situation qu’il juge « ubuesque« , attribuant au gouvernement la responsabilité d’avoir supprimé la redevance sans proposer une alternative pérenne.
Aurélien Saintoul (La France insoumise), fermement opposé au texte, a plaidé pour l’instauration d’une « contribution rénovée et progressive« , qu’il considère comme une solution préférable à ce qu’il décrit comme un « bricolage législatif« . De son côté, Estelle Youssouffa (Libertés, indépendants) a déploré l’urgence dans laquelle les parlementaires ont été placés, regrettant qu’ils soient « dos au mur, sans possibilité réelle d’amender le texte« , et contraints de « légiférer à marche forcée« .
Malgré ces réserves, un large consensus s’est formé autour de l’idée de voter pour ce texte imparfait mais nécessaire, comme l’a souligné Jérémie Iordanoff (Écologiste et Social) : « Ce n’est pas un choix idéal, mais une question de responsabilité. » Enfin, le Rassemblement national a opté pour l’abstention, estimant que la privatisation partielle de l’audiovisuel public aurait été une meilleure option.
Une gouvernance toujours en suspens
En marge des débats sur le financement, le sujet de la gouvernance de l’audiovisuel public a refait surface. Rachida Dati a réitéré sa proposition d’une présidence unique, dotée de compétences élargies, pour piloter les différentes entités. Une idée qui divise profondément, notamment à gauche.