Un déficit qui échappe à tout contrôle : le rapport du Sénat dévoile une gestion budgétaire marquée par l’irresponsabilité et l’inaction, mettant en cause les gouvernements successifs et Emmanuel Macron.
Le Sénat sonne l’alarme sur une dérive budgétaire sans précédent : entre déni collectif et choix politiques discutables, les comptes publics plongent dans le rouge
Le rapport d’information du Sénat sur la gestion des finances publiques entre 2023 et 2024 est accablant. Sous la houlette de Jean-François Husson (LR) et Claude Raynal (PS), les sénateurs dressent un portrait sans concession de la situation budgétaire, qualifiée de « catastrophique« . Les gouvernements successifs, et plus largement Emmanuel Macron, sont directement mis en cause pour leur « inaction et leur double discours« .
Une dérive spectaculaire du déficit
Alors que le budget 2024 prévoyait un déficit de 4,4 % du PIB, la réalité est toute autre : 6,1 %, soit une dérive de près de 50 milliards d’euros en quelques mois. Cette situation alarmante découle de plusieurs facteurs, notamment des prévisions fiscales trop optimistes, avec une chute des recettes issues de la TVA.
Dès octobre 2023, la direction générale des finances publiques tirait la sonnette d’alarme. Pourtant, aucune mesure corrective n’a été engagée à temps. Les sénateurs pointent un immobilisme coupable du gouvernement, qui aurait sciemment retardé l’ajustement du projet de loi de finances (PLF) 2024.
L’absence de loi de finances rectificative (PLFR), une décision politique
Parmi les sujets les plus sensibles figure le refus de présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR), malgré les recommandations du ministre de l’Économie de l’époque, Bruno Le Maire. Ce choix, directement imputé à Emmanuel Macron et Gabriel Attal, alors Premier ministre, aurait été motivé par des considérations électorales, à quelques mois des européennes.
En février 2024, un décret d’annulation de crédits pour 10 milliards d’euros est bien publié, mais les sénateurs jugent cette mesure insuffisante et avant tout « symbolique ». À ce moment-là, le gouvernement continue paradoxalement à autoriser de nouvelles dépenses, aggravant encore la dérive budgétaire.
Des ministres sous le feu des critiques
Le rapport ne ménage pas les responsables politiques. Bruno Le Maire, Thomas Cazenave, et Élisabeth Borne sont épinglés pour leur gestion défaillante.
L’ex-Première ministre est accusée d’avoir privilégié le projet de loi sur l’immigration au détriment de mesures budgétaires urgentes, malgré des notes explicites qui l’invitaient à agir dès décembre 2023. Les sénateurs dénoncent un « attentisme préjudiciable » et un « manque de communication », non seulement envers le Parlement, mais également envers les Français.
Bruno Le Maire, de son côté, est critiqué pour ses déclarations contradictoires. Le rapport souligne que ses propos tenus devant le Sénat en mai 2024 ne concordent pas avec ses propres recommandations internes, ce qui alimente les accusations de « mystification« .
La dissolution, un facteur aggravant
La situation s’est envenimée après la dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée par Emmanuel Macron à la suite des élections européennes. Le retard pris dans la nomination d’un nouveau gouvernement a paralysé l’action publique, laissant des décisions cruciales en suspens.
Pour les sénateurs, cette séquence politique a été un véritable accélérateur de la crise. Le changement successif de deux Premiers ministres, couplé à l’absence d’un cadre budgétaire clair, a prolongé l’inaction.
Des conséquences directes pour les Français
Les effets de cette dérive budgétaire se font déjà sentir. Sous la pression des finances publiques, le gouvernement actuel a gelé les retraites, réduit les remboursements de soins et instauré un jour de carence supplémentaire pour les fonctionnaires.
« Le sentiment général d’irresponsabilité et de déni collectif« , dénoncé dès le printemps 2024, est encore plus flagrant dans cette nouvelle phase, résument les sénateurs dans leurs conclusions.
Ce rapport du Sénat dresse un constat amer : la gestion des finances publiques s’apparente à une succession d’erreurs stratégiques, de priorités mal définies et de blocages politiques. Avec un déficit ayant doublé en sept ans, le défi pour redresser les comptes s’annonce colossal.
Pour les sénateurs, cette crise n’est pas seulement budgétaire, mais aussi politique. Une réforme en profondeur de la gouvernance des finances publiques est indispensable pour éviter de reproduire un tel scénario.