- L’Espagne mise sur l’immigration pour relancer son économie et répondre à une pénurie croissante de main-d’œuvre.
- Le gouvernement espagnol souhaite régulariser des milliers de sans-papiers et renforcer l’intégration des migrants.
Loin des politiques restrictives adoptées par ses voisins, l’Espagne a décidé de faire un pari audacieux : miser sur l’immigration pour répondre à une pénurie de main-d’œuvre et soutenir son économie. Mardi 19 novembre, le gouvernement de Pedro Sánchez a adopté une réforme visant à faciliter la régularisation de dizaines de milliers de sans-papiers.
Une réforme ambitieuse pour « un pays ouvert et prospère »
La réforme, saluée comme la plus ambitieuse depuis plus d’une décennie, introduit plusieurs mesures destinées à simplifier et accélérer les démarches administratives pour les migrants. Elle prévoit une réduction des délais pour l’obtention d’un titre de séjour, l’’allongement des visas de recherche d’emploi de trois mois à un an et la création de nouveaux statuts pour régulariser les migrants à travers le travail, la formation et les liens familiaux.
« L’objectif est clair : renforcer et élargir les voies d’accès à la régularisation afin que ces personnes puissent vivre pleinement en tant que citoyens, avec des droits et des devoirs », a déclaré Elma Saiz, ministre de l’Inclusion et des Migrations.
Le gouvernement estime que ces mesures pourraient permettre la régularisation de 300 000 immigrés par an, répondant ainsi aux besoins croissants d’un marché du travail en tension.
Répondre à une pénurie de main-d’œuvre
Dans un pays où la population vieillit rapidement, l’immigration est devenue une nécessité économique. « Comme nous l’avons répété à plusieurs reprises, l’Espagne a besoin d’environ 250 000 à 300 000 travailleurs étrangers chaque année pour maintenir son niveau de vie », a martelé la ministre.
Actuellement, 2,9 millions d’étrangers cotisent à la sécurité sociale espagnole, représentant 13,6 % des affiliés. Ces chiffres, en constante augmentation, traduisent l’importance de l’immigration pour la vitalité économique du pays.
Pedro Sánchez, le Premier ministre, a insisté sur une approche pragmatique : « L’immigration n’est pas seulement une question d’humanité. Elle est essentielle pour notre économie et notre prospérité. »
Une vision qui tranche avec le reste de l’Europe
Contrairement à des pays comme la France, l’Italie ou l’Allemagne, où les politiques migratoires se durcissent, l’Espagne fait figure d’exception en Europe. Pedro Sánchez défend cette ouverture avec force. « L’Espagne doit choisir : être un pays ouvert et prospère, ou un pays fermé et pauvre. Nous avons choisi la première option. »
Le chef du gouvernement n’hésite pas à critiquer les approches de certains voisins européens. Il pointe notamment les discours de Viktor Orban, accusé d’hypocrisie en autorisant discrètement l’arrivée de milliers de travailleurs asiatiques en Hongrie, ou encore la politique de rétention de migrants de Giorgia Meloni en Italie.
Un défi humanitaire et politique
Malgré ces ambitions, l’Espagne reste confrontée à des défis migratoires majeurs. Les îles Canaries, porte d’entrée pour de nombreux migrants venant d’Afrique de l’Ouest, ont enregistré 40 000 arrivées irrégulières en 2023, soit une augmentation de 40 % par rapport à l’année précédente.
Cette situation alimente les tensions politiques. Tandis que l’extrême droite dénonce une « invasion« , Pedro Sánchez rappelle que « le taux de délinquance des étrangers est le même que celui des Espagnols, ni plus ni moins ».
Une économie en pleine croissance
L’Espagne semble en mesure de relever ces défis grâce à une économie robuste. Avec une croissance attendue à 2,7 % du PIB en 2024, le pays surpasse ses voisins européens. Le patronat espagnol soutient massivement cette politique migratoire, considérant qu’elle répond à un besoin urgent dans des secteurs tels que l’agriculture, la construction et les services.
En choisissant une politique migratoire basée sur l’intégration et la régularisation, l’Espagne ouvre une voie originale en Europe. « Les Européens se trompent en ne voyant que les aspects négatifs de l’immigration », estime Pedro Sánchez. Reste à savoir si cette stratégie inspirera d’autres nations confrontées aux mêmes défis économiques et démographiques.