La rémunération des cadres, bien qu’en progression, peine à suivre le rythme de l’inflation. C’est le constat dressé par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) dans une étude dévoilée jeudi 21 novembre. Pourtant, une majorité des cadres interrogés se disent satisfaits de leur salaire. Un paradoxe qui illustre des tensions persistantes dans le monde professionnel.
Depuis 2019, le salaire médian des cadres a augmenté de 1,9 %, pour atteindre 54 000 euros brut, variable inclus. Mais cette progression reste bien inférieure au taux d’inflation de 4,9 % mesuré en 2023 par l’Insee. Résultat : 62 % des cadres interrogésdans le cadre de cette enquête estiment que leur pouvoir d’achat s’est dégradé, notamment depuis la pandémie de Covid-19.
Le constat est encore plus sombre sur le long terme : 56 % des cadres jugent leurs perspectives salariales « non intéressantes » pour les trois à cinq prochaines années. Pourtant, la satisfaction salariale, elle, demeure étonnamment élevée : 63 % des cadres interrogés se disent satisfaits de leur rémunération actuelle.
Des augmentations records en 2024, mais insuffisantes
L’année 2024 marque néanmoins une avancée notable, avec 60 % des cadres ayant bénéficié d’une augmentation, un record selon l’Apec. « Habituellement, ce chiffre est inférieur à 50 % », note Gilles Gateau, directeur général de l’Apec.
Cette embellie profite particulièrement aux jeunes : 74 % des moins de 30 ans ont été augmentés cette année. En revanche, les cadres de 50 ans et plus voient leurs salaires stagner, creusant davantage les inégalités générationnelles.
Égalité femmes-hommes : l’écart persiste
Les disparités salariales entre hommes et femmes cadres continuent de poser problème. À poste et profil équivalents, les hommes gagnent en moyenne 6,9 % de plus que les femmes, un écart jugé « inexpliqué ». Bien que ce chiffre soit en légère baisse par rapport à 2019 (7,1 %), il reste révélateur d’un progrès extrêmement lent.
« À ce rythme, il faudrait 172 ans pour atteindre l’égalité salariale », déplore Gilles Gateau. Ce chiffre met en lumière l’ampleur des efforts à fournir pour réduire un écart qui demeure structurel.
Le recul du pouvoir d’achat touche toutes les catégories
L’étude de l’Apec rejoint les conclusions d’une analyse publiée en octobre par l’Insee : malgré une hausse moyenne des salaires nets de 4 % entre 2023 et 2024, l’inflation continue de rogner le pouvoir d’achat des Français. En 2023, le salaire net moyen a vu son pouvoir d’achat reculer de 0,8 %, un phénomène qui touche plus particulièrement les cadres (-2,8 %) par rapport aux ouvriers (-0,3 %) ou aux employés (-0,5 %).
En cinq ans, ce sont les travailleurs de la « deuxième ligne » – caissiers, agents d’entretien, ouvriers de l’agroalimentaire – qui ont payé le plus lourd tribut à l’inflation : leurs salaires réels ont diminué de 0,7 %, contre 0,2 % pour d’autres catégories. Un chiffre d’autant plus frappant que ces professions ont été encensées comme essentielles durant la crise sanitaire.
Malgré ces signaux négatifs, le marché de l’emploi cadre conserve une dynamique particulière. Gilles Gateau rappelle que la dernière baisse significative de l’emploi cadre remonte à 1991, mais note que de nombreux économistes anticipent un ralentissement pour 2025.
« La dynamique est singulière, mais les tensions inflationnistes pourraient impacter les recrutements à terme », observe-t-il, tout en maintenant un optimisme prudent sur la résilience de cette catégorie professionnelle.
Un bilan en demi-teinte
La rémunération des cadres reste un sujet complexe, oscillant entre satisfaction et frustrations. Si des avancées sont notables, notamment pour les jeunes, le poids de l’inflation et les inégalités persistantes – qu’elles soient générationnelles ou genrées – rappellent l’urgence d’une revalorisation équitable des salaires.
