- Une étude récemment publiée révèle que la moitié des entreprises du SBF120, les 120 plus grandes sociétés cotées à la Bourse de Paris, n’affichent aucune diversité ethnique dans leurs instances dirigeantes.
- Ce constat, à quelques jours du sommet de l’inclusion économique à Bercy, met en lumière les lenteurs et les obstacles systémiques qui freinent l’intégration de la diversité dans les hautes sphères du monde des affaires.
La moitié des 120 plus grandes sociétés cotées à la Bourse de Paris affichent une absence totale de diversité ethnique dans leurs instances dirigeantes, selon une étude publiée ce vendredi 22 novembre. Cette enquête, réalisée par les cabinets spécialisés dans le recrutement et la lutte contre les discriminations au travail, arrive à trois jours du sommet de l’inclusion économique prévu à Bercy. Les résultats soulignent un décalage important entre les discours sur l’égalité des chances et la réalité des pratiques au sein des entreprises françaises.
L’étude, co-écrite par la Fondation Mozaïk et le cabinet Me&YouToo, porte sur les comités exécutifs et conseils d’administration des entreprises cotées au SBF120, avec un total de 3 159 membres analysés. Les chercheurs se sont appuyés sur des critères tels que la couleur de peau, la nationalité et les patronymes, afin d’évaluer la diversité visible au sein des instances dirigeantes. Résultat : environ 50 % des entreprises étudiées ont des dirigeants issus exclusivement de groupes ethniques majoritaires, avec des noms à consonance européenne. Ce constat soulève des interrogations sur l’intégration de la diversité dans les postes décisionnels.
Les chiffres sont clairs : seulement 6,5 % des membres des comités exécutifs et 6,8 % des membres des conseils d’administration présentent une « diversité ethnique » visible. Bien que ces taux aient légèrement progressé par rapport à 2022, avec une hausse de 0,5 et 0,6 point respectivement, ces résultats demeurent insuffisants au regard de la représentation de la société française. Cette situation soulève des questions sur l’ouverture des entreprises françaises à la diversité et à la parité.
Les mécanismes systémiques de discrimination
L’étude ne se contente pas d’observer les chiffres, elle met également en lumière les mécanismes systémiques qui expliquent cette absence de diversité. Inès Dauvergne, PDG du cabinet Me&YouToo, souligne l’existence d’un « plafond de verre » qui empêche de nombreuses personnes issues de groupes ethniques minoritaires d’accéder aux postes les plus élevés. Selon elle, ces barrières invisibles, souvent alimentées par des stéréotypes et des biais inconscients, privent les entreprises de talents précieux et diversifiés, ce qui nuit à leur compétitivité.
Le manque de diversité dans les instances dirigeantes pourrait également avoir un impact négatif sur l’image des entreprises, notamment auprès de leurs clients, salariés et partenaires. Dans un monde où l’inclusion devient un enjeu majeur, les entreprises risquent de perdre en attractivité si elles ne parviennent pas à refléter la pluralité de la société dans leurs équipes dirigeantes.
La transparence : une nécessité
Pour Inès Dauvergne, la solution passe par une plus grande transparence des entreprises sur leur politique de diversité. Elle prône une obligation de rendre publics les efforts réalisés pour diversifier les comités exécutifs et les conseils d’administration, afin de valoriser celles qui font des progrès. « Cela permettrait non seulement de récompenser les bons élèves, mais aussi de rendre mal à l’aise celles qui ne bougent pas », déclare-t-elle. Cette pression sociale pourrait inciter les entreprises à réévaluer leurs pratiques et à adopter des mesures concrètes pour diversifier leurs équipes dirigeantes.
Cependant, il convient de souligner que la question de la collecte de données ethniques reste délicate en France. Les statistiques ethniques sont fortement encadrées, ce qui rend difficile la mise en perspective des chiffres et l’évaluation précise de la situation. Toutefois, les auteurs de l’étude considèrent qu’il est temps de sortir de ce « tabou » pour aborder la question de la diversité de manière plus transparente et plus proactive.
Des progrès, mais lenteur du changement
Les résultats de cette étude sur la diversité ethnique dans les entreprises du SBF120 dressent un constat préoccupant : malgré des progrès marginaux, la représentation des minorités ethniques dans les instances dirigeantes reste largement insuffisante. Si la transparence et l’action concrète semblent être des leviers importants pour changer la donne, le chemin reste encore semé d’embûches. Le sommet de l’inclusion économique à Bercy pourrait être l’occasion de lancer un véritable mouvement de réflexion et de transformation au sein des entreprises françaises.
Il est désormais urgent pour les entreprises de prendre pleinement conscience des enjeux liés à la diversité, non seulement pour répondre à des impératifs éthiques et sociaux, mais aussi pour garantir leur pérennité et leur compétitivité dans une société de plus en plus diversifiée.