Ce mercredi 4 décembre, l’Assemblée nationale s’est transformée en théâtre d’une confrontation politique majeure. Les députés examinent deux motions de censure, déposées par le Rassemblement national et la gauche, dans un contexte marqué par le recours au 49.3 pour faire adopter le budget de la Sécurité sociale. Ce débat pourrait sceller la fin du gouvernement de Michel Barnier, signant un épisode historique dans la cinquième République.
Éric Coquerel : « Nous faisons aujourd’hui l’Histoire »
Dès l’ouverture des débats à 17 heures, Éric Coquerel (LFI) a donné le ton. Premier orateur à la tribune, il n’a pas mâché ses mots. « Monsieur le Premier ministre, nous faisons aujourd’hui l’Histoire. Vous, parce que vous allez être le seul Premier ministre à être censuré depuis Georges Pompidou en 1962. Moi, parce que j’ai l’honneur de porter cette motion de censure », a-t-il déclaré avec emphase.
S’attaquant au bilan du gouvernement, il a dénoncé une majorité désunie : « Le débat sur le budget de l’État déserté par vos troupes a eu lieu avec seulement 20 ou 30 députés de votre socle commun qui s’est révélé être un bataillon en déroute. » Pour lui, cette crise est le fruit de « l’illégitimité » de la Macronie, qui n’a pas tenu ses engagements et a préféré « des compromis avec l’extrême droite » plutôt qu’avec la gauche.
Marine Le Pen : « Un moment de vérité »
Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national, a ensuite pris la parole pour fustiger un gouvernement qu’elle qualifie de « gouvernement éphémère » et « de circonstance« . « Nous voilà arrivés au moment de vérité, a-t-elle déclaré. La dissolution, nous la devons à la rupture profonde et ancienne entre la volonté du peuple et la réalisation de leurs dirigeants. »
Elle a également critiqué le président de la République, estimant qu’Emmanuel Macron devait se poser des questions sur sa légitimité : « C’est à sa conscience de lui commander s’il peut sacrifier l’action publique et le sort de la France à son orgueil. »
Boris Vallaud : « Un appel au sursaut moral »
Boris Vallaud (PS) a pour sa part accusé Michel Barnier de privilégier « l’extrême droite » au détriment de la gauche. « La majorité de compromis que vous avez voulue s’est transformée en un sinistre gouvernement de connivence avec l’extrême droite », a-t-il dénoncé, avant de poser une question aux députés macronistes : « Préférez-vous négocier avec une gauche au pouvoir que certains jugent imparfaite, ou continuerez-vous à courber l’échine aux injonctions de madame Le Pen ? »
Pour le patron des députés socialistes, cette motion de censure « est un appel au sursaut moral« .
Des critiques et des avertissements dans tous les camps
Laurent Wauquiez (LR) a quant à lui dénoncé ce qu’il appelle une « alliance de circonstance » entre la gauche et l’extrême droite. « Vous faites semblant de vous injurier les uns les autres et vous vous apprêtez à voter ensemble pour faire tomber un gouvernement », a-t-il déclaré, accusant les oppositions de choisir « le chaos« .
Cyrielle Chatelain, présidente du groupe écologiste, a appelé à en finir avec « l’approche verticale du pouvoir« . Elle a interpellé les députés de la majorité présidentielle en leur demandant : « Préférez-vous continuer à sabrer dans l’AME avec l’extrême droite ou souhaitez-vous un plan pour l’hôpital public ? » Pour elle, « seule la gauche et les écologistes ont le courage d’assumer une vraie politique budgétaire ».
Marc Fesneau (MoDem), de son côté, a critiqué « le cynisme » et « le sectarisme » des oppositions. « Certains ont manifestement préféré la facilité du laisser-faire plutôt que la recherche du compromis », a-t-il dénoncé, défendant la position du gouvernement.
Le Premier ministre dans l’œil du cyclone
Assis entre Nathalie Delattre et Marie Claire Carrère-Gée, Michel Barnier a pris des notes tout au long des interventions, sans esquisser la moindre réaction. Une vingtaine de membres de son gouvernement étaient présents pour lui apporter leur soutien.
Le vote sur les motions de censure devrait intervenir en soirée. Selon les observateurs, celle déposée par la gauche a de fortes chances d’être adoptée grâce au soutien du RN, une alliance jugée contre-nature par de nombreux députés.