Entre suspensions des demandes d’asile et programmes de rapatriement, plusieurs pays européens s’engagent dans une gestion plus stricte des réfugiés syriens, une mesure qui suscite débats et critiques.
Lundi 9 décembre, plusieurs pays européens ont décidé de suspendre l’examen des demandes d’asile des réfugiés syriens. Une annonce qui relance les débats sur la gestion des migrations, alors que la Syrie demeure plongée dans l’incertitude après la chute du régime de Bachar el-Assad. Si l’Autriche va jusqu’à envisager un programme de rapatriement, d’autres pays, comme l’Allemagne et la France, optent pour un gel temporaire des procédures.
Une situation en transition, mais fragile
Depuis 2011, la guerre civile syrienne a poussé près de 7 millions de personnes à fuir le pays, selon la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen. Alors que le régime d’Assad s’est effondré, les autorités européennes s’interrogent sur les conditions de sécurité et de stabilité pour permettre un éventuel retour des réfugiés.
Cependant, pour l’ONU, la prudence reste de mise. « La situation en Syrie est loin d’être stabilisée », alerte l’organisation, appelant à ne pas précipiter les retours.
L’Allemagne suspend les décisions d’asile
En Allemagne, pays qui accueille la plus grande diaspora syrienne d’Europe, la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser, a annoncé la suspension des décisions en cours concernant les demandes d’asile des Syriens. Cette mesure, explique-t-elle, est liée à « l’incertitude actuelle ».
Dans un communiqué, Nancy Faeser a salué la fin du régime d’Assad, qualifiée de « tyrannie brutale ». « La fin de la tyrannie brutale du dictateur syrien Assad est un grand soulagement pour de nombreuses personnes qui ont souffert de la torture, du meurtre et de la terreur », a-t-elle déclaré. Toutefois, elle reconnaît que de nombreux réfugiés syriens en Allemagne « ont désormais enfin l’espoir de retourner dans leur patrie syrienne et de reconstruire leur pays ».
L’Autriche, en pointe sur les rapatriements
En Autriche, où l’extrême droite s’est imposée politiquement ces dernières années, les autorités ont pris des mesures encore plus drastiques. En plus de suspendre les nouvelles demandes d’asile, le ministre de l’Intérieur, Gerhard Karner, a annoncé un réexamen des cas déjà acceptés.
« La situation politique en Syrie a fondamentalement changé, avec une soudaine accélération des événements ces derniers jours », a-t-il expliqué. Le gouvernement envisage également un « programme de rapatriement et d’expulsion vers la Syrie ». Cette décision pourrait concerner jusqu’à 7 300 Syriens, sur les 100 000 vivant actuellement en Autriche.
Les pays nordiques emboîtent le pas
D’autres pays, comme la Norvège, la Suède et le Danemark, ont également opté pour un gel des procédures d’asile. En Norvège, l’UDI (Office norvégien des migrations) a justifié cette décision par une situation « très floue et non résolue » en Syrie.
La Suède a confirmé que l’examen des dossiers de Syriens serait suspendu jusqu’à nouvel ordre. Carl Bexelius, responsable des affaires juridiques à l’office suédois des migrations, a déclaré : « Compte tenu de la situation, il n’est tout simplement pas possible d’évaluer les motifs de protection à l’heure actuelle. »
Au Danemark, 69 dossiers ont été gelés, tandis que 50 cas d’expulsion vers la Syrie ont vu leur délai de départ reporté.
La France en réflexion
En France, une mesure similaire pourrait être adoptée dans les prochaines heures. Selon le ministère de l’Intérieur, l’objectif est de « mettre un frein à l’avalanche d’appels sur les demandes d’asile de Syriens ». En 2023, plus de 4 000 demandes d’asile de ressortissants syriens ont été enregistrées dans le pays.
Un proche du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a précisé que Paris travaillait « sur une suspension des dossiers d’asile en cours provenant de Syrie – sur le même modèle que ce que fait l’Allemagne ».
Un débat éthique et politique
La suspension des demandes d’asile intervient dans un contexte de montée des partis d’extrême droite, qui mettent en avant des arguments sécuritaires et identitaires pour restreindre les flux migratoires. Si ces décisions se veulent pragmatiques face aux incertitudes en Syrie, elles suscitent de vives réactions de la part des ONG humanitaires.
Pour les organisations de défense des droits humains, ces mesures risquent de mettre en danger des personnes vulnérables. Elles dénoncent également une instrumentalisation politique de la situation des réfugiés syriens.