- Le Conseil d’État a rendu son avis sur le projet de loi spéciale visant à assurer la continuité des finances publiques pour 2025.
- S’il valide l’essentiel du texte, il juge cependant l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu incompatible avec cette procédure exceptionnelle.
Le Conseil d’État a rendu son avis, mardi 10 décembre, sur le projet de loi spéciale destiné à assurer la continuité des finances publiques en l’absence de budget voté pour 2025. Ce texte, qui sera présenté en Conseil des ministres ce mercredi 11 décembre, divise déjà sur plusieurs points, notamment sur l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu et sur la légitimité d’un gouvernement démissionnaire à porter ce projet.
L’indexation de l’impôt sur le revenu exclue de la loi spéciale
L’un des principaux enjeux de ce texte est l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, une mesure que le gouvernement souhaite adopter pour éviter une hausse automatique de l’impôt, particulièrement pour les foyers modestes. Cependant, le Conseil d’État estime que cette mesure ne peut être incluse dans une loi spéciale. « L’indexation du barème de l’impôt excéderait le rôle très limité et précis d’une loi spéciale, dès lors qu’elle constituerait une modification affectant les règles de détermination des impôts existants », a précisé la juridiction administrative dans son avis.
Le gouvernement démissionnaire peut-il présenter la loi spéciale ?
Le Conseil d’État a également été consulté sur la légitimité du gouvernement démissionnaire à porter ce projet de loi. Depuis la censure du budget 2025 par les députés le 4 décembre, le gouvernement n’est plus compétent que pour gérer les « affaires courantes« . Pourtant, le Conseil d’État a jugé que l’exécutif sortant pouvait tout à fait présenter un tel texte. « Dès lors que la loi spéciale constitue une mesure d’ordre financier nécessaire pour assurer la continuité de la vie nationale, le Conseil d’État estime qu’un gouvernement démissionnaire demeure compétent pour soumettre à la délibération du Conseil des ministres un projet de loi ayant un tel objet », a indiqué la juridiction dans son avis.
Ainsi, même sans un gouvernement pleinement constitué, le projet de loi pourra être déposé à l’Assemblée nationale et soutenu devant les parlementaires si aucun gouvernement de plein exercice n’est nommé avant son examen.
Les mesures financières pour l’État et la sécurité sociale
Le projet de loi spéciale comprend également des dispositions financières essentielles pour le bon fonctionnement de l’État. Le Conseil d’État recommande que le texte permette à l’État de recourir à l’emprunt, un recours qui représente aujourd’hui une part significative de ses ressources. « Les emprunts représentent, à l’heure actuelle, une part significative du total de [ses] ressources annuelles« , a souligné la juridiction, précisant que cette mesure vise à garantir la continuité des services publics.
De plus, le projet de loi autorise l’Urssaf Caisse nationale à emprunter pour assurer le financement des prestations sociales. « Eu égard à l’équilibre financier actuel des organismes de sécurité sociale, et en l’absence d’autorisation de recourir à des ressources non permanentes, les organismes concernés ne seraient plus en mesure d’assurer la continuité des paiements et remboursements des prestations sociales », indique le Conseil d’État. « L’interruption des paiements serait de nature à porter atteinte aux principes constitutionnels de protection de la santé« , souligne l’avis.
Une procédure exceptionnelle mais nécessaire
La loi spéciale, régie par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), n’a été utilisée qu’une seule fois dans l’histoire, en 1979, après la censure du projet de loi de finances pour 1980. Cette procédure permet à l’État de continuer à percevoir les impôts existants et de financer les services publics essentiels lorsqu’il n’a pas de budget voté avant le 1er janvier.
Le texte sera examiné en commission dès jeudi, avant son passage devant l’Assemblée nationale le lundi 16 décembre.