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Xavier Le Clerc : « Les crânes d’Algériens : trophées dans les boîtes à chaussures »

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Un récit intime et implacable sur la mémoire coloniale, entre vérité historique et quête personnelle.

Dans les sous-sols du musée de l’Homme, le narrateur, double de l’auteur, tombe sur un crâne anonyme, celui d’une fillette kabyle de sept ans. Il la prénomme Zohra. Ce fragment d’histoire, oublié mais numéroté, ravive une mémoire collective et familiale que Xavier Le Clerc explore avec force.

Né Hamid Aït-Taleb, fils d’immigrés algériens, l’auteur mêle autobiographie, réflexion politique et douleur héritée, en posant la question brûlante : peut-on vraiment réconcilier les deux rives de la Méditerranée ?

Comment la découverte du crâne de Zohra, fillette kabyle, a-t-elle nourri votre réflexion sur les blessures de l’héritage colonial ?

 Les collections de crânes du XIXème siècle révèlent la déshumanisation à l’œuvre durant les conquêtes coloniales. Les populations étaient décapitées à l’aube par des colonnes expéditionnaires de deux à trois mille hommes. Les crânes servaient de trophées, de souvenirs ou d’objet d’étude pseudo scientifique avec la craniométrie, la phrénologie et la théorie des races. 9000 crânes des ex-colonies, entreposés dans des boîtes à chaussures sous la place du Trocadéro, cette déshumanisation qui perdure devrait nous interroger.

Donner une voix à Zohra est un geste fort. Qu’est-ce qui vous a guidé dans ce choix et comment celui-ci a-t-il façonné votre manière d’explorer la mémoire dans votre geste d’écriture ?

 C’est le rôle de la littérature de donner une voix aux fantômes. Dans Cent vingt francs, j’ai exploré la vie de mon arrière-grand-père, tirailleur kabyle mort pour la France en 1917. Avec Un homme sans titre, j’ai rendu hommage à mon père, ouvrier algérien et taiseux dont la génération avait reconstruit la France d’après-guerre. Dans Le Pain des Français, il s’agit de Zohra en 1845 mais aussi de ma génération, celle des enfants issus de l’immigration durant les années 1980. À cause du racisme ordinaire de l’époque, nous n’étions pas autorisés à entrer en boite de nuit et aujourd’hui, nous découvrons que nos ancêtres sont rangés dans des boites à chaussures.

Comment cette mise en archive imposée de crânes humains dans certaines institutions publiques nous contraint-elle à interroger les conditions de reconnaissance et de transmission de l’histoire coloniale ?

C’est d’abord une question de décence d’offrir une sépulture aux restes humains. Ensuite, c’est l’occasion de nous éduquer et de comprendre l’ignoble hiérarchie des hommes qui a conduit à justifier ces conquêtes. Il s’agit aussi grâce à la littérature d’enterrer le ressentiment et le racisme.

Un souffle de mémoire blessée irrigue vos récits, comme une résonance persistante. Quel lien intime tisse les voix de tous vos ouvrages, et que votre écriture cherche à exhumer ou à apaiser en les faisant entendre ?

J’aimerais écrire Les Rougon Macquart de la France et de l’Algérie. C’est une œuvre monumentale d’Émile Zola, composée de vingt romans, publiés entre 1871 et 1893. Chacun de mes romans ou récits forme une partie de cette fresque des deux rives.

À propos de l’auteur

Né en 1979 dans un hameau de Kabylie, Hamid Aït-Taleb, devenu Xavier Le Clerc est diplômé de la Sorbonne en sciences humaines et littérature générale et comparée. Il mène une carrière de cadre dans l’industrie du luxe entre Paris, Londres et Milan. Il choisit l’écriture pour se réapproprier son histoire et interroger la France sur la sienne.

« Le pain des Français », Xavier Le Clerc

Éditeur : Éditions Gallimard Collection / Série : Blanche

Prix de vente au public (TTC) : 19.00€

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