- Le Sénat examine ce jeudi la proposition de loi portée par les écologistes visant à instaurer une contribution minimale sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros.
- Un dispositif inspiré des travaux de l’économiste Gabriel Zucman, qui promet jusqu’à 20 milliards d’euros de recettes.
Adoptée à l’Assemblée nationale le 20 février dernier, la proposition de loi visant à instaurer une « taxe Zucman » arrive ce jeudi devant le Sénat. Le texte, déposé par des députés écologistes dont Eva Sas et Clémentine Autain, s’inscrit dans une volonté de renforcer la justice fiscale en imposant une contribution minimale de 2 % sur les très grands patrimoines.
Concrètement, la mesure cible les foyers fiscaux détenant au moins 100 millions d’euros de patrimoine net. Environ 1 800 contribuables seraient concernés. Son concepteur, l’économiste Gabriel Zucman, justifie cette approche par un principe de contribution différentielle.
« C’est la création d’un taux plancher de 2 % sur le patrimoine des très grandes fortunes. Quelqu’un qui paierait déjàl’équivalent de 2 % ou plus de sa fortune en impôt sur le revenu ne serait pas concerné. Mais quelqu’un qui paierait moins devrait payer la différence pour arriver à 2 % », a-t-il expliqué lors d’un point presse au Sénat.
Un rendement espéré de 20 milliards d’euros
Présentée comme un outil de lutte contre l’optimisation fiscale, cette contribution pourrait, selon Gabriel Zucman, rapporter jusqu’à 20 milliards d’euros par an. Une manne potentielle qui tombe à point nommé dans un contexte de tension budgétaire.
« Avec cette mesure extrêmement ciblée, on peut trouver à peu près ce dont on a besoin en 2026 pour réduire notre déficit ou financer nos services publics, nos investissements », a-t-il souligné.
La sénatrice écologiste des Yvelines, Ghislaine Senée, résume le sens du dispositif : « C’est un impôt plancher sur les très riches, un dispositif anti-abus. »
Un soutien élargi, au-delà de la gauche
Si la droite sénatoriale s’apprête à rejeter le texte, la majorité sénatoriale n’est pas totalement alignée. Des soutiens centristes commencent à émerger. La sénatrice Nathalie Goulet (Union centriste) se montre favorable : « Les gens qui voteront contre auront du mal à le justifier », estime-t-elle.
Même tonalité du côté de Bernard Delcros (Cantal), également centriste : « Les écarts de richesse progressent de manière importante. Au moment où il faut redresser les comptes publics, les plus grandes fortunes doivent contribuer à l’effort national, quand on demande des efforts à tous les Français. »
Il rappelle que le groupe centriste défend depuis plusieurs années des mesures de justice fiscale, à travers différents amendements.
Un exil fiscal jugé marginal
L’un des arguments récurrents des opposants est la crainte d’un exil fiscal des contribuables visés. Gabriel Zucman balaie cette critique. « Les études universitaires menées sur la question sont unanimes : l’exil fiscal n’est pas nul, mais il est très faible, très rare. », estime t-il
Le gouvernement reste sur une ligne de stabilité fiscale
Le gouvernement, pour sa part, adopte une posture plus prudente. Marc Ferracci, ministre de l’Énergie et de l’Industrie, a affirmésur Public Sénat ne pas souhaiter remettre en cause la trajectoire de baisse d’impôts initiée en 2017 : « Le sujet, c’est de trouver le bon équilibre. »
Il défend la réforme de l’ISF, remplacé par l’IFI, au nom de l’attractivité économique. « Il ne faut pas envoyer de signaux qui mettraient en péril les résultats obtenus. Les investissements annoncés au sommet Choose France, ce sont des usines qui ouvrent et des emplois qui se créent. », explique -t-il.
Le ministre met plutôt l’accent sur la réduction des dépenses publiques, n’excluant pas une « année blanche » en 2026, avec un gel de certaines prestations sociales : « Nous avons besoin de ralentir la machine en matière de dépenses sociales en limitant l’indexation de certaines prestations. »
Il plaide également pour une évaluation systématique des niches fiscales, assortie de clauses d’extinction. « Le but, c’est que certaines niches aient une durée de vie limitée, et qu’elles ne deviennent pérennes que si leur efficacité est prouvée », affirme -t-il
Une bataille politique à forte portée symbolique
Au-delà de son rendement financier, la taxe Zucman cristallise un débat de fond sur la fiscalité du capital, la redistribution et l’équité dans la contribution nationale. À l’heure où l’État cherche 40 milliards d’euros d’économies, la question de qui paie quoi revient au centre du jeu politique.
Le vote du Sénat, même s’il ne marque pas l’adoption définitive du texte, constituera un signal fort sur l’orientation fiscale choisie par la majorité sénatoriale. Un enjeu aussi économique que politique.
